Le Point

Ville littéraire

- Patrick Besson

Trop longtemps que je n’étais pas allé à un déjeuner littéraire : le 15 avril, le jury du prix Cazes remettait un chèque de 4 000 euros et des tickets repas de 800 euros à Gabriel Matzneff, l’homme couvert de jeunes femmes en passe d’être l’homme couvert de vieux jurés. N’a-t-il pas déjà reçu, en 2013, le prix Renaudot de l’essai ? Au premier étage de Lipp (≈≈≈), qui est la punition des touristes mais qui a une jolie vue sur la place Saint-Germain-des-Prés, dont peu de gens, sauf peut-être quelques érudits japonais, savent qu’elle a désormais pour nom Jean-Paul-Sartre-Simonede-Beauvoir, il y avait tout le monde, je veux dire tout le monde que je connais. Ça a commencé sur le trottoir des fumeurs : Nelly Alard (prix Sagan et prix Interallié) et Jean-François Coulomb, qui vient de faire paraître un roman chez Albin Michel. Il y avait aussi le patron des éditions Albin Michel, qui pourtant ne fumait pas : Francis Esménard. Ainsi qu’Edouard Moradpour, qui a été publicitai­re en Russie et est aujourd’hui écrivain en France, ce qui est moins romanesque. Il veut qu’on écrive sur son nouveau livre dans les journaux : « Nous parlions d’amour de peur de nous parler d’autre chose » (Michalon). Voilà, c’est fait.

Le temps, personnage principal de nos vies. Le seul ? Ces silhouette­s érudites dans la belle lumière d’un après-midi ensoleillé de printemps. Ecrivains rêveurs, rêveurs écrivains. Tous obsédés par cet objet qui traverse le temps comme une fusée miraculeus­ement fabriquée dans l’Antiquité : le récit. Lire conserve, écrire contente. Ils ont tous ce visage d’enfant perdu dans la forêt des mots : Mohammed Aïssaoui, du Figaro littéraire, Bruno de Cessole, de Valeurs actuelles, François-Guillaume Lorrain, du Point. Pas eu le temps de demander à Jean-Claude Lamy où il en est de sa biographie de Jean-Edern Hallier. Ni de féliciter Joël Schmidt pour sa formidable biographie de César. Stéphanie des Horts a mangé trop vite : elle devait aller faire son service de presse. Chez Albin Michel. Dont l’ancien vice-président Richard Ducousset était à notre table : enfin un type plus antipathiq­ue que moi. Il y avait aussi l’ambassadri­ce de France au Japon, Florence Godfernaux. Elle est arrivée avec une heure de retard. Heureuseme­nt qu’elle n’a pas été élue présidente de la République, on l’aurait attendue beaucoup plus longtemps. Elle était assise à côté d’Eric Neuhoff, qui a rasé sa barbe. Sur la demande de Caroline de Monaco, qui lui a remis l’an dernier le prix Prince-Pierre (15 000 euros et non 50 000, comme l’a regretté le lauréat) ? Comme j’aime la rapidité, la liberté, la dureté de mes amis de jeunesse, qui ne vieillisse­nt pas.

Alain Beuve-Méry, du Monde des livres, et Etienne de Montety, du Figaro littéraire : les deux puissances se souriaient sans se regarder. Alice Déon, beauté brune ultradéoni­enne, participai­t à cette absence de cérémonie avec la distance dans laquelle souriait l’ombre de son père, Michel. Il y avait l’académicie­n Marc Lambron, mais je ne l’ai pas vu, il était dans un angle mort. Il pourrait en dire autant de moi. Est-ce que j’oublie quelqu’un ? Mais oui : le lauréat. Ça semblait être la fête pour tout le monde sauf pour lui. Il était pourtant assis en face d’une belle libraire. Brigitte de Roquemaure­l, l’organisatr­ice de l’événement, était comme d’habitude la grâce et l’élégance incarnées. Secondée de Catherine Couton-Mazet, la grande dame littéraire de Nice, elle a été charmante, même avec ceux qui n’étaient pas invités. Pas de noms

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Gabriel Matzneff.

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