Sanctions économiques, l’arme fatale
En frappant l’Iran et la Russie au portefeuille, l’Occident parvient à dénouer deux crises.
D epuis
la fin de la guerre froide s’est imposée la théorie selon laquelle les sanctions économiques, contrairement aux interventions militaires, seraient inefficaces. Et ce alors même que l’empire soviétique ne s’est pas effondré à la suite d’une défaite militaire mais bien du caractère insoutenable et irréformable de son système de production. Et ce quand bien même les sanctions internationales, les boycottages et les désinvestissements frappant l’Afrique du Sud jouèrent un rôle décisif dans la décision de Frederik De Klerk de mettre fin au régime de l’apartheid et d’engager une transition démocratique autour de Nelson Mandela.
Mais rien n’a la vie plus dure que les préjugés. Les sanctions économiques continuent d’accumuler les critiques, accusées de n’avoir aucun effet, voire d’être contre-productives par les représailles qu’elles suscitent. A l’inverse, le recours à la force armée reste privilégié pour renverser des régimes dictatoriaux – le dernier en date étant celui de Bachar el-Assad en Syrie – ou pour rétablir la paix civile, comme en Centrafrique.
Aucune des récentes interventions militaires des démocraties ne s’est achevée par un succès. L’Occident sait encore entrer en guerre mais ne sait ni la gagner ni imposer la paix. Les EtatsUnis se sont enlisés en Afghanistan et en Irak, dépensant en vain 1 200 milliards de dollars avant de se retirer en ouvrant un vaste espace aux talibans, à l’Etat islamique et aux ambitions de l’Iran de construire un empire chiite. La chute de la Jamahiriya du colonel Kadhafi à l’initiative de la France a jeté la Libye dans le chaos et l’a transformée en sanctuaire du terrorisme islamique, qui gagne l’Afrique et suscite des trafics de migrants en Méditerranée qui déstabilisent l’Europe. Enfin, l’expédition inconsidérée de Centrafrique n’a empêché ni la purification ethnique et religieuse ni la partition du pays.
A l’inverse, force est de constater que les sanctions économiques, si décriées, sont en passe d’aider à dénouer deux crises majeures avec l’Iran et la Russie.
L’accord de Lausanne, signé le 2 avril entre les grandes puissances et l’Iran, n’a été rendu possible que par les sanctions internationales, qui ont ruiné le régime des ayatollahs et l’ont coupé des Iraniens. La réduction des exportations de pétrole de 2,1 millions de barils/jour en 2011 à 1,1 million en 2014 a tari les recettes budgétaires, assurées aux trois quarts par les taxes sur les hydrocarbures. Les filières industrielles ont été désorganisées par la pénurie de pièces détachées et la fermeture des débouchés. Quelque 100 milliards de dollars ont été bloqués à l’étranger. Enfin, le système bancaire iranien a été asphyxié par son exclusion des accords Swift.
Loin d’être vaines, les sanctions économiques ont eu un effet rapide et radical. La diminution du PIB iranien s’est élevée à 8,5 % entre 2012 et 2014. L’inflation a bondi pour atteindre 30 %. La paupérisation de la population est allée de pair avec l’installation d’un chômage structurel qui touche 12 millions de personnes. C’est l’extension de la crise économique et du mécontentement social qui a permis l’élection à la présidence de Hassan Rohani en 2013 et interdit de rééditer le truquage électoral de 2009 en faveur de Mahmoud Ahmadinejad. C’est la crainte d’une contre-révolution en cas de maintien des sanctions qui a contraint Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution, à ne pas s’opposer au compromis sur le programme nucléaire iranien.
La crise ukrainienne illustre également l’utilité des sanctions internationales. En dépit des déclarations de Vladimir Poutine, qui minimise leur impact et assure que le pire est passé, la Russie se trouve dans une situation désespérée, qui se traduit par sa rétrogradation de la dixième à la seizième place mondiale. L’activité reculera de 4 % cette année et de 2 % en 2016, sur fond d’écroulement de la consommation, qui a chuté de 7 % en un an. L’inflation culmine à 17 %. Les fuites de capitaux portent sur plus de 150 milliards de dollars en un an, tandis que les réserves de change ont diminué de 490 à 360 milliards. Les grands monopoles et les banques du pouvoir touchés par les sanctions
En dépit des déclarations de Poutine, la Russie se trouve dans une situation désespérée.