Le Point

Le cousin du président, qui se rêvait en tycoon du Moyen-Orient, finance les milices du régime.

- DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À BEYROUTH ROMAIN GUBERT

La scène se passe fin janvier à Luxembourg. Les magistrats de la Cour de justice européenne examinent le dossier « Mohammed Makhlouf ». Au début de la guerre civile en Syrie, les biens de ce notable ont été placés sous séquestre par l’Union européenne. Quatre ans après cette saisie, il demande qu’on lui rende son argent. Aidé de Georges Karouni, un avocat français, le vieil homme affirme qu’il n’a plus d’activités en Syrie et rien à voir avec le régime. D’ailleurs, explique-t-il, il s’est installé en Russie dès le début des événements.

Les juges n’ont pas été convaincus et ont maintenu le gel de ses avoirs. La ficelle était trop grosse. Au sein du pouvoir, Mohammed Makhlouf n’est pas n’importe qui. Il est l’oncle de Bachar el-Assad et le patriarche de la famille la plus riche et la plus puissante du pays. Jusqu’à ces derniers mois, Hafez, un de ses quatre fils, était colonel dans les services de renseignem­ent, chargé de la « branche 40 », une unité spéciale de l’armée, responsabl­e de la sécurité de Damas.

Quant à son aîné, c’est le milliardai­re Rami Makhlouf, 48 ans, l’homme le plus riche du pays. En moins d’une décennie, ce dernier a constitué un empire qui vaut plus de 5 milliards d’euros. Il est aujourd’hui le principal bailleur de fonds des milices alaouites fidèles au régime, les chabiha, qui ont activement participé à la répression au début du soulèvemen­t et luttent aujourd’hui contre l’Armée syrienne libre ou Daech.

Rami Makhlouf possède le principal opérateur de télécoms de Syrie, il est présent dans le pétrole, dans le BTP. Il détient aussi des dizaines de commerces en duty-free installés à tous les postes-frontières du pays, qui lui rapportent des dizaines de millions d’euros chaque mois. Cet empire, c’est Mohammed, son père, qui en a jeté les bases au cours des trois décennies de règne de Hafez el-Assad, j u s q u’ e n 2 0 0 0 . A n i s s a Makhlouf, la soeur de Mohammed, a épousé Hafez el-Assad lorsqu’il n’était qu’un officier issu d’un milieu modeste et elle n’a jamais oublié les intérêts de son clan. A ses fils, la politique, à son frère et à ses neveux, la fortune. Mohammed Makhlouf s’est ainsi retrouvé à la tête de la Régie des tabacs et du Crédit immobilier syrien. Il a aussi beaucoup profité de l’exploitati­on de puits de pétrole et disposait d’une licence d’importatio­n de voitures étrangères. Mais c’est son fils Rami qui, grâce à ses liens

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