Le Point

Ellroy démasqué

Corruption, sexe, drogue et haine raciale, l’auteur du « Dahlia noir » revient avec un grand roman : « Perfidia » ou Los Angeles dans la folie de Pearl Harbor.

- PAR JULIE MALAURE

Ellroy dévoile dans « Perfidia », premier volume d’une tétralogie à venir – ou nouveau « Quatuor de Los Angeles » –, une vaste ambition : construire, comme Balzac, une grande fresque sociale. Quatorze volumes pour couvrir une période de trente et un ans. Une frise temporelle avec « Le Dahlia noir » au centre, et en ouverture « Perfidia », le onzième opus, qui paraît le 7 mai et dont l’action se tient entre le 6 décembre 1941, la veille de Pearl Harbor, et le 29 du même mois.

« Perfidia », nous dit Ellroy, raconte l’entrée des Etats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. En temps réel. Quatre points de vue s’entrecrois­ent : Dudley Smith, l’Irlandais du « Grand nulle part », Kay Lake, l’héroïne du « Dahlia noir », William H. Parker, qui apparaît dans « LA Confidenti­al » et qui fut le vrai chef de la police de Los Angeles de 1950 à 1966. Et le quatrième, Ashida, le criminolog­ue, un Nippo-Américain gay.

Cet opus ouvre sur une affaire qui pétrifie la ville. Une famille japonaise est retrouvée morte chez elle. Un suicide, hara-kiri ? Le lendemain, le Japon attaque Pearl Harbor, et le meurtre s’éclaire soudain de haine raciale. Rafles de « Japs », gangs de « Chinetoque­s », sympathisa­nts nazis, communiste­s, flics et journalist­es véreux, profiteurs de guerre et vedettes hollywoodi­ennes, tous accros au pouvoir, au fric, au sexe ou aux cachets de Benzédrine avalés avec du scotch sans glace, forment un millefeuil­le d’ « hypocrites » : Los Angeles. Une cité corrompue que le Dog fouille jusqu’à la moelle dans son style à l’os, argotique, xénophobe. Du grand Ellroy, à lire entre les lignes. « Ma mère », la rouquine Extrait du journal de Kay Lake : « – Qui est-elle, capitaine Parker ? – Qui est qui, miss Lake ? – La grande rousse que vous cherchez partout. »

Le 22 juin 1958, la mère de James Ellroy, Geneva Hilliker, 43 ans, est retrouvée assassinée près du lycée d’El Monte, un quartier populaire de Los Angeles. James a 10 ans. Pour son onzième anniversai­re, son père lui offre un livre, « The Badge », de Jack Webb, qui fait référence au meurtre non élucidé d’une starlette de Hollywood en 1947. Dès lors, Ellroy entame un processus de rapprochem­ent entre ces deux femmes, Jean (Geneva Hilliker, sa mère) et Betty (Elizabeth Short, dite « le Dahlia noir »), jusqu’à les confondre dans le roman de ce nom de 1987 qui ouvre sur cette dédicace : « Mère : vingt-neuf ans plus tard, ces pages d’adieux aux lettres de sang. »

« Ma mère est un fantôme, parfois elle prend forme » , raconte Ellroy, 66 ans. Ici, elle est une « grande jeune femme rousse, d’environ 25 ans » . « Joan quelque chose » , dit le roman. « Joan, du nom d’une de mes ex » , précise Ellroy, qui a déjà placé le prénom pour évoquer « la déesse rouge » dans le roman « Underworld USA ». L’étau se resserre. La Joan de « Perfidia », infirmière, originaire du Minnesota, pose pour la photo avec bottes et fusil. On reconnaît là le portrait de la mère d’Ellroy, suspendu au mur de son bureau, à LA, où il nous a reçue. Alors, Joan la rousse, apparition fantôme, parfum d’inceste, leitmotiv des romans, béguin du flic Parker ici, qui vire à l’obsession, rencontre l’autre, la blonde Kay Lake… Kay Lake, la clé C’est l’un des plus célèbres personnage­s d’Ellroy. Miss Lake, la bombe du « Dahlia noir », Scarlett Johansson dans le film de Brian De Palma. « Ma mère aurait pu être une héroïne de la Seconde Guerre mondiale, comme Kay Lake, affirme le Dog. Il y a des passages entre ces deux femmes. Et le fait que j’écrive dans la perspectiv­e de Kay Lake me rapproche de ma mère. Ce que je fais dans

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