Crime contre la culture. Et après ?
En Irak, un taureau assyrien n’a pas de voix pour hurler quand une perceuse entame l’espace qui sépare ses deux yeux. C’est peut-être heureux, d’ailleurs… Mais il n’a pas de veuve, ni d’enfants, non plus, pour s’obstiner à poursuivre en justice les coupables, malgré les condamnations de l’Unesco. Aussi doit-on saluer l’appel lancé par le ministre de la Culture ivoirien au musée du Quai-Branly, en marge de l’exposition « Les maîtres de la sculpture de Côte d’Ivoire », pour qu’émerge « un droit international de la culture, définissant avec clarté ce qui peut relever des crimes contre les biens culturels, avec cours et tribunaux pénaux ad hoc, pour juger précisément de ces crimes » . Bien sûr, il ne s’agit pas de mettre au même niveau les destructions de vies humaines et celles d’objets inanimés, mais bien de réellement criminaliser ces attaques sauvages à la mémoire des peuples. « Pour quelque sujet que l’on ravage un pays, on doit épargner les édifices qui font honneur à l’humanité, écrivait Emer de Vattel, bien aimé de George Washington. Que gagne-t-on à les détruire ? C’est se déclarer l’ennemi du genre humain. » C’était en 1758, dans « Le droit des gens », et ça paraît bien loin