Maldoror, c’est lui !
Poche. Un faber est un ouvrier qui travaille le métal – un forgeron, un fondeur, un chaudronnier. Celui de Tristan Garcia est tout cela, au sens figuré. Orphelin né dans les années 80 et adopté par un couple de retraités dans un bled imaginaire d’Ile-de-France, Mehdi, qui préfère se faire appeler Faber, est un génie, brillant et insupportable, persuadé d’être le diable réincarné. Avec Madeleine et Basile, ils forment une sorte de trinité, inséparables, jusqu’à ce que Mehdi provoque sa dissolution douloureuse à la fin de l’adolescence, du rêve et des folies ; au moment de devenir sérieux, de franchir le seuil de « la vie réelle ». Alors que Madeleine et Basile entrent dans le rang, Faber se cabre et fréquente les milieux d’ultragauche. « Eduqués et formés par les livres, dit-il, les films, les chansons – par la promesse de devenir des individus, je crois que nous étions en droit d’attendre une vie différente. » Il part. Loin d’un monde et d’une société qu’il vomit, dans une ferme délabrée des Pyrénées, dans la rue, et puis nulle part. En marge de la marge, désoeuvré, clochardisé, Faber revient au bled faire ce qu’il fait le mieux : détruire. Son histoire, c’est celle d’une génération perdue, d’une classe moyenne à l’intelligence pulvérisée par la normalisation, la standardisation, par trop de frustrations, et qui bascule dans les ténèbres de la radicalité « Faber », de Tristan Garcia (Folio, 478 p., 8 €).