Le Point

Tocquevill­e-Piketty, même combat ?

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Le père du libéralism­e à la française fustigeait ces patrons formant une « nouvelle aristocrat­ie ».

Mais de là à en faire un marxiste...

Dans le même esprit, alors qu’il comparait Manchester, la grande ville manufactur­ière des tissus et du coton, à Birmingham, la ville du cuivre et de l’acier, où la population ouvrière était plus aisée et mieux nourrie, il n’hésita pas à affirmer : « Ici est l’esclave, là le maître ; là, les richesses de quelquesun­s, ici, la misère du plus grand nombre ; là, les forces organisées d’une multitude produisent, au profit d’un seul, ce que la société n’avait pas encore su donner. » On est nettement plus proche de la lutte des classes et d’une remise en question de ce qu’il aurait qualifié, de nos jours, de déviances du capitalism­e que d’une pensée de liberté percevant dans le tournant du progrès industriel l’occasion de sortir des population­s entières de la misère et de la faim.

Tocquevill­e-Piketty, même combat ? Rien n’est moins sûr. Car si le grand Alexis n’est effectivem­ent ni Frédéric Bastiat, ni Charles Comte, ni Charles Dunoyer ; s’il ne se serait jamais enflammé, comme Benjamin Constant, pour « la liberté en tout » , il n’hésitait pas, lui, à dénoncer l’hyperfisca­lité frappant les entreprene­urs et notamment « l’élévation des taxes qui fait que le riche ne peut pas employer le pauvre comme il le ferait si une si grande part de son argent n’entrait pas dans le coffre de l’Etat » . Pas très Piketty pour le coup…

Tocquevill­e, tout en étant favorable à la participat­ion comme à une banque des pauvres, n’en était pas moins un défenseur de la liberté individuel­le et de la propriété privée comme soutien de la prospérité économique et de la dignité humaine. Pourfendeu­r radical du socialisme, il affirme sans retenue que « parmi les moyens de donner aux hommes le sentiment de l’ordre, l’activité et l’économie, je n’en connais pas de plus puissant que de leur faciliter les abords de la propriété » .

Annonçant avant tout le monde les mouvements de 1848, le député de la Manche prononça même, le 27 janvier, un discours très libéral à la Chambre des députés contre l’inscriptio­n du « droit au travail » dans la Constituti­on. Fustigeant avec fougue ce « droit-créance » particuliè­rement illusoire et plaçant l’Etat en situation de débiteur universel face à une population désincitée à réaliser les efforts nécessaire­s pour trouver un emploi, il n’hésita pas à associer la pensée

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