Hollande l’illusionniste
Il réussit à faire croire que la courbe du chômage s’inversera d’ici à 2017 grâce à lui. Bravo l’artiste !
S ’il
est bien difficile d’être enthousiasmé par la façon dont François Hollande dirige depuis trois ans le pays et le réforme, il est en revanche impossible de ne pas être impressionné par ses talents d’illusionniste. Le sketch qu’il a inventé en conditionnant sa candidature à la prochaine présidentielle à l’inversion de la courbe du chômage fait un peu penser au numéro de la femme coupée en deux. Avec ce même art du faux suspense pour faire croire au public que l’assistante en jupette prend des risques insensés en s’allongeant dans la boîte.
Tous les économistes prédisent en effet que la courbe du chômage s’inversera en France d’ici à 2017 à la faveur de la reprise économique attendue dans toute l’Europe grâce à la baisse des prix du pétrole, de l’euro et des taux d’intérêt. Et, donc, il ne fait guère de doute que M. Hollande sera en mesure de se présenter. Une vraie prise de risque de sa part, une marque de droiture, aussi, aurait consisté à lier sa candidature à une baisse du nombre de chômeurs pendant son quinquennat. Mais il s’est bien gardé de le faire, sachant cet objectif hors d’atteinte.
Là où le tour de magie de M. Hollande est génial, c’est qu’il a d’ores et déjà réussi à focaliser l’attention de tous les médias et de l’opinion publique sur la seule évolution de la courbe du chômage. A persuader tout le monde que, si elle s’inverse, il aura remporté, contrairement à son prédécesseur, la bataille de l’emploi. Ce qui est totalement faux.
Le plus étonnant est de voir à quel point même les observateurs les plus subtils tombent dans le panneau tendu par le président de la République et les socialistes. « Le chiffre du chômage décidera de la réélection ou non de François Hollande, tout le reste est littérature, affirmait l’autre jour, dans son billet matinal sur RTL, notre excellent confrère Pascal Praud. Un président qui réduit le chômage n’est peut-être pas automatiquement réélu ; en revanche, un président qui ne le réduit pas est mécaniquement battu. Si, dans deux ans, la fameuse courbe n’est pas inversée, François Hollande sera battu. »
D’abord, il n’est pas exact de dire qu’une hausse du chômage condamne automatiquement un président sortant à la défaite. Cela s’est certes vérifié pour Valéry Giscard d’Estaing et pour Nicolas Sarkozy, mais pas pour François Mitterrand. Durant son premier septennat, le taux de chômage était passé de 6,1 % à 9 %, et le nombre de chômeurs avait progressé de 700 000. Il avait franchi début 1984 la barre des 2 millions à propos de laquelle M. Mitterrand avait pourtant dit, lors de la campagne présidentielle de 1981 : « Moi président, la France ne passera pas le cap des 2 millions de chômeurs, je m’y engage ! »
Ensuite, le fait que la courbe du chômage s’inverse d’ici à 2017 ne changera rien au bilan du mandat de François Hollande en matière d’emploi. Qui s’annonce désastreux, bien plus mauvais encore que celui de M. Sarkozy. Entre mai 2007 et mai 2012, le nombre de chômeurs avait augmenté en France, selon les données harmonisées d’Eurostat, de 24 %. Soit deux fois moins vite que dans l’ensemble de l’Union européenne (+ 47 %) et de la zone euro (+ 53 %), avec des pointes à 225 % en Espagne et 204 % en Irlande. Pour être précis, sous le mandat de M. Sarkozy, la France avait fait mieux ou, si l’on préfère, moins mal, en matière de chômage, que dix-neuf pays de l’Union européenne. Elle se classait neuvième sur vingt-huit.
Depuis mai 2012, le nombre de chômeurs a progressé de 10 % en France, ce qui certes constitue un léger ralentissement par rapport à la période précédente, mais l’énorme différence, c’est que, depuis mai 2012, le nombre de chômeurs a reculé de 5 % dans l’ensemble de l’Union européenne et qu’il y a baissé dans la majorité des pays (dix-huit pays sur vingt-huit), alors qu’en France on l’attend toujours : cela fait déjà deux ans – mai 2013 – que la courbe du chômage s’est inversée en Europe et que le nombre de sans-emploi y baisse chaque mois. Depuis que M. Hollande s’est installé à l’Elysée, la France a dégringolé de la neuvième à la vingt et unième place sur vingt-huit dans la lutte contre le chômage.
Et les deux années qui viennent ne devraient pas permettre à la France de remonter dans ce classement européen, le seul qui ait vraiment un sens et permette de comparer les performances. Même avec une courbe s’inversant – enfin ! – et avec trois ans de retard sur nos partenaires, même avec un taux de chômage reculant légèrement en 2016 (de 10,4 % à 10,2 %, selon la Commission européenne), la position relative de la France continuera à se détériorer, car le chômage baissera plus vite dans
Avec ce tour de magie, M. Hollande cherche à faire passer pour une éclatante victoire ce qui aura en réalité été un formidable fiasco.