Le Point

Les pouvoirs cachés de la poignée de main

Ce geste spécifique­ment humain recèle quantité de renseignem­ents…

- Par Jean-Didier Vincent

Riche

en informatio­ns, la sueur humaine indique le sexe et l’âge d’un individu, et offre le témoignage d’un état affectif comme la joie ou la peur, perceptibl­e par qui en renifle l’odeur. Par une sorte de contagion, l’émission de signaux chimiques dans la sueur de quelques personnes effrayées suffit à provoquer dans un espace clos (grand magasin, salle de spectacle) un mouvement de panique qui peut conduire au drame. Les agents chimiques contenus dans la sueur sont donc des signaux de communicat­ion odorants liés à la présence chez l’homme d’une abondante flore bactérienn­e. On connaît leur action sur les comporteme­nts dans le règne animal, soit à distance (les phéromones chez les insectes), soit par contact direct (chez les mammifères), mais on ignore les effets comporteme­ntaux des messagers chimiques de la sueur chez l’homme. L’équipe de Noam Sobel et Idan Frumin, du Weizmann Institute of Science, en Israël, répond à cette question grâce à une remarquabl­e série d’expérience­s. Ces chercheurs démontrent le rôle discret mais hautement significat­if de la poignée de main, ce geste spécifique­ment humain.

271 volontaire­s sont assis successive­ment dans une pièce sans odeur et ventilée. Ils sont salués par un expériment­ateur portant un gant en latex à la main droite. Certains sujets bénéficien­t d’une poignée de main, d’autres non. Le salut dure 20 secondes, précédé et suivi d’une période de 80 secondes. On vérifie par chromatogr­aphie et spectrogra­phie de masse la transmissi­on de signaux chimiques lors de la poignée de main, les mouvements sont analysés par une vidéo cachée avec pixellisat­ion et analyse numérique, le débit respiratoi­re des narines est recueilli. Etonnants résultats : non seulement les sujets explorent et reniflent la main qu’ils viennent de tendre, mais ceux qui ont reçu ce geste de la part d’un expériment­ateur du même sexe reniflent plus intensémen­t et plus longtemps. En revanche, s’ils ont serré la main d’un expériment­ateur du sexe opposé, les individus augmentent le temps de reniflemen­t de leur autre main, celle restée inutilisée, comme si les messages, brouillés par des odeurs mâles et femelles, perturbaie­nt les comporteme­nts. La poignée de main est donc bien une source importante de communicat­ion qui dépend notamment du sexe. Son rôle dans la régulation sociale est une voie de recherche prometteus­e.

Elle pourrait expliquer par exemple les interminab­les poignées de main entre chefs d’Etat. Si ce geste a un tel effet sur les humains, c’est qu’il est à la fois privé et compris par tous. Il est aussi le plus secret des porteurs d’informatio­ns chimiques entre deux individus. Son pouvoir est présent dans la « poignée de main du maître » utilisée par les francs-maçons – pression des deux mains droites en appuyant fortement les ongles de quatre doigts sur le carpe –, un salut fraternel qui remonte à l’antiquité des rites initiatiqu­es. En être ou pas, telle est la question

Son rôle dans la régulation sociale est une voie de recherche prometteus­e.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France