Ferguson, Baltimore… Les bavures font au moins un mort par jour. Premières victimes, les Noirs.
Dans une explosion de gyrophares rouges et bleus, des flics armés jusqu’aux dents affrontent des trafiquants de drogue, attaquent un preneur d’otages et canardent tous azimuts au fusil d’assaut, le tout rythmé par une musique haletante et le sifflement des balles. A la fin apparaît sur l’écran une citation de George Orwell : « Les gens ne dorment paisiblement dans leur lit la nuit que parce qu’il y a des hommes coriaces qui sont prêts à commettre des violences en leur nom. » Ce n’est pas une vidéo pour un film d’action, mais une pub de la commune de Denison destinée à susciter des vocations de policier. Vérification faite, cette petite ville se situe au Texas, ce qui doit expliquer l’atmosphère western !
Il existe des dizaines de vidéos de recrutement de ce genre qui montrent des commandos en train d’enfoncer des portes au bélier et de se battre au M16, même si le boulot quotidien de l’agent consiste davantage à alpaguer les ivrognes et à coller des contraventions sur les pare-brise. « Les forces de police américaines ont souvent adopté un état d’esprit jusqu’ici réservé au champ de bataille » , écrit Radley Balko, auteur de « Rise of the Warrior Cop » (« L’émergence du flic guerrier »), qui remonte, selon lui, à la lutte dans les années 70 contre le trafic de drogue et, après le 11 Septembre, contre le terrorisme. De plus, la police a hérité des surplus militaires d’Irak. C’est ainsi qu’à Los Angeles elle dispose de plusieurs lance-grenades et de véhicules blindés antimines alors que le taux de criminalité dans tout le pays n’a jamais été aussi bas.
A force de jouer les cow-boys, il y a évidemment des bavures. Beaucoup de bavures. Rien que ces derniers mois, Eric Garner, un vendeur de cigarettes à la sauvette, est mort d’étouffement sur un trottoir de New York après avoir été plaqué au sol. Un mois plus tard, Darren Wilson a tué par balles Michael Brown à Ferguson, dans le Missouri. Tamir Rice, un gamin de 12 ans, a été descendu parce qu’il gesticulait avec une arme factice dans un parc de Cleveland. Le dernier en date, c’est Freddie Gray, à Baltimore. Le 12 avril, ce jeune homme de 25 ans est arrêté alors qu’il n’a rien fait. Les flics l’enfournent, pieds et poings liés, dans le fourgon, sans lui mettre de ceinture de sécurité. Ballotté violemment, il est grièvement blessé au cou et mourra une semaine plus tard.