Comment, d’oxymores en circonlocutions, ne plus appeler un chat un chat.
Au début était le « politiquement correct » . Cette moralisation du langage, introduite aux Etats-Unis dans les années 60 par des universitaires et des partis de gauche, avait un principe louable, celui de défendre minorités et opprimés en rectifiant les préjugés de langage de l’homme blanc. Les « Afro-Américains » (ex-Noirs) puis les « Américains de souche » (ex-Indiens) en furent les premiers bénéficiaires. Pour être honnête, on doit constater que chez nous le politiquement correct a contribué à faire avancer le progrès social et que, grâce à lui, on ne dit plus « fille mère » mais mère célibataire et que le mot « nègre », qui évoque la cruauté de l’histoire, a disparu pour se transformer en noir.
On s’est peu à peu laissé bercer par ces périphrases euphémisantes : « malentendant » (sourd), « malvoyant » (aveugle), « personne de petite taille » (nain… et naine, parité oblige), « personne à mobilité réduite » (paralytique), « senior » (vieux) ou autre « technicien de surface » (balayeur). Et puis, allez savoir pourquoi, mais probablement sous l’influence d’un certain puritanisme, la novlangue de Big Brother, imaginée par George Orwell en 1949, et dont le politiquement correct n’était peut-être que l’ersatz, est apparue insidieusement non pas en « 1984 », mais en 2014… On se souvient que la langue officielle d’Océania, dans ce trop actuel roman d’anticipation, avait pour objectif de réduire, sinon de détruire, les subtilités et les nuances du langage. Son objectif ? Eradiquer l’ancienne langue pour s’imposer d’ici à 2050 et empêcher de réfléchir, abolir le dialogue, faire de la pensée un crime et transformer l’humain en mouton