Le sarment d’hypocrites
Depuis la loi Evin, l’alcoolisme n’a cessé d’augmenter. Et s’il fallait éduquer plutôt qu’interdire ?
Le responsable d’une association de donneurs de sang à Puligny-Montrachet, célèbre cru de Bourgogne, contraint de renoncer au repas annuel de ses membres pour cause d’incitation à la consommation de boissons alcoolisées… Les gendarmes dépêchés chez un producteur de côtes-d’auvergne pour lui faire retirer la bouteille géante en contreplaqué qui sert d’enseigne depuis deux générations… Voilà qui prêterait à sourire, si le prohibitionnisme sournois qui s’appuie sur la fameuse loi Evin ne se manifestait qu’au travers de ces actions « clochemerlesques » . Mais, avec un budget annuel de 70 millions d’euros, l’Anpaa (Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie) est capable de bien pire. Descendante directe des ligues anti-alcooliques créées en 1872 pour d’abord combattre l’ivrognerie au sein de l’armée qui, selon quelques notables fondateurs, était la principale cause de la défaite de 1870, l’Anpaa rassemble essentiellement des pratic i e ns c o nf r o nt é s a u t e r r i bl e problème de l’alcoolisme. Pour beaucoup, il ne s’agit pas d’interdire l’alcool et encore moins le vin : « C’est un grand plaisir que de boire un bon vin avec modération, la viticulture et l’oenologie font partie de notre patrimoine. Il n’est pas question d’interdire la consommation d’alcool, l’Histoire a prouvé que ça ne servait à rien » , nous écrivait récemment un médecin, neurologue à la Pitié-Salpêtrière à Paris. Le problème, comme souvent dans ce type d’association, c’est que ce sont rarement les raisonnables qui en prennent la direction. Le plus souvent, ce sont des militants ou des convertis dont on sait qu’ils sont les plus radicaux. Claude Got, un des acteurs de la loi Evin, ne partageait pas du tout le point de vue de notre neurologue : « Il n’y a pas une population au monde capable d’avoir uniquement des consommateurs modérés, sans la contrepartie dramatique des consommateurs excessifs »
Libération