Six rescapés de l’enfer
Récit. Ils sont six témoins, âgés de 85 à 92 ans, à raconter leur terrible histoire, celle de 76 000 hommes, femmes et enfants, déportés vers les camps de la mort, dont ils ne seront que 2 500 à revenir. Dans leurs récits, l’émotion a fait place à la pudeur, mais les traumatismes, eux, sont restés gravés à jamais.
Parmi eux, il y a Henri Borlant, qui raconte l’effroyable voyage dans des wagons à bestiaux qui les menaient à Auschwitz. C’était en juillet 1942 : « On n’avait jamais entendu parler des camps, on s’imaginait qu’on nous emmenait travailler pour le STO. » Sur place, ils disent les maltraitances, le froid, les maladies qui les terrassent, les camarades qui se suicident sur les barbelés électrifiés. S’ils ont survécu ? C’est parce qu’ils avaient « la foi ». « Cette force vitale que nous avons découverte en nous », renchérit Marceline Loridan-Ivens, qu’un milicien vichyste a tenté de violer lors de son arrestation et « sauvée » par un soldat allemand qui assenait : « On ne touche pas à cette race-là. » Dans les camps, il y a aussi cette incroyable solidarité : « Cette place chaude au milieu du lit que nous échangions à tour de rôle », se souvient Ida Grinspan, déportée à 14 ans à Auschwitz. Et cette infirmière, résistante, qui la soignera en cachette.
A leur sortie, ils racontent l’impossibilité de retrouver une vie normale, la difficulté de se reconstruire, marqués à jamais par cette « blessure de l’intime qui ne guérira jamais », confie Marceline. Longtemps, ils se sont emmurés dans le silence. Car « la France d’après-guerre n’était pas prête à entendre nos souffrances », lance Marceline. Ces témoignages, ils les ont consignés dans un ouvrage, « Traces de l’enfer ». Et aujourd’hui, l’avenir les inquiète… « Traces de l’enfer », d’Ida Grinspan, Marceline Loridan-Ivens, Sarah Montard, Henri Borlant, Charles Palant, Victor Pérahia (Larousse, 384 p., 17,90 €).