Pascal Lamy : « Les Britanniques pensent qu’ils doivent compter sur eux-mêmes »
La Grande-Bretagne a toujours joué une partition singulière. Helmut Kohl avait l’habitude de dire : « Le chemin de la Grande-Bretagne vers l’Union européenne sera toujours plus long que pour les autres Européens. » C’est leur matrice, leur singularité, leur ADN. Leur histoire, le fait de ne jamais avoir été envahis, sauf par mes ancêtres normands qui en ont fait une grande puissance, amène les Britanniques à penser qu’ils doivent d’abord compter sur eux-mêmes. Ils ne partagent que de loin le sentiment des continentaux selon lequel « Nous avons en commun des valeurs qui nous rassemblent », « Nous sommes plus forts ensemble », etc. Les Britanniques estiment que leur destin n’est pas forcément lié au nôtre. Dès lors, ces élections sont à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle.
Pascal Lamy :
Pourquoi ?
Une bonne nouvelle parce que Cameron a bien joué et qu’il a la main. En promettant ce référendum, il a réussi à contenir la progression d’Ukip. Il a une majorité au Parlement qui devra se prononcer avant le peuple. Il va pouvoir aller vite pour bénéficier de sa légitimité. Une mauvaise nouvelle parce que, comme tout référendum, c’est une entreprise périlleuse qui peut déraper.
Que va-t-il faire ?
Négocier des réformes de l’Union européenne. Il en a déjà donné la trame tout en évitant d’entrer dans le détail pour ne pas donner prise aux anti. Mais il va maintenant devoir clarifier ses demandes. Exercice difficile, puisque son parti compte une soixantaine de parlementaires qui exigent la sortie de l’Union européenne. Parce qu’il devra naviguer entre la majorité de l’opinion britannique qui ne veut pas sortir de l’Union et la majorité de l’opinion britannique qui n’aime pas l’Union. Parce que les concessions qu’il obtiendra seront limitées. Parce que, pour plaider le maintien dans l’Union, il va devoir réinventer un narratif qui lui permette d’expliquer que l ’ Un i o n e s t b o n n e p o u r la Grande-Bretagne.