Agnès Verdier-Molinié : « Les vrais DRH de l’Education sont les syndicats »
Le problème numéro un de l’Education nationale est son manque de flexibilité. Toutes les décisions sont prises au niveau central, et c’est ce qui fait que notre système d’enseignement est irréformable. L’avenir est dans un système éducatif géré comme au Royaume-Uni, en Allemagne ou en Suède (qui sont tous devant nous dans les classements) au niveau local. Nous faisons semblant de décentraliser la gestion, mais nous laissons aux régions, aux départements et aux communes uniquement la gestion des murs de nos écoles, collèges et lycées et la rénovation ou la construction des bâtiments. Pour la gestion des équipes et de la pédagogie, tout vient de la Rue de Grenelle. Si l’on veut réformer notre politique publique d’éducation, il faudra aller plus loin que les bla-bla actuels et décentraliser entièrement la gestion au niveau des régions et des communes. Partons des données de terrain. Les élèves d’Henri-IV ou de Louis-le-Grand comme de la plupart des grands lycées de France sont choisis sur dossier et la dépense consacrée par élève et par an est bien plus importante dans ces établissements que dans les établissements moins prestigieux. La suppression de l’option latin n’y changera strictement rien. Pourquoi ne peut-on pas avoir accès en France aux chiffres consolidés des dépenses par établissement ? Pourquoi le rapport de la Cour des comptes sur les inégalités de financement de l’éducation sur l’ensemble de notre territoire n’a-t-il jamais été publié ? Nous avons cherché à la Fondation Ifrap à obtenir les statistiques de masse salariale par établissement et la direction des statistiques du ministère nous a répondu qu’elle « ne dispose pas de ces informations » . Fermez le ban. Nous avons ces chiffres pour une académie, et c’est
Agnès Verdier-Molinié* :
édifiant : pour le collège, le montant dépensé par élève et par an varie entre 4 139 euros et 9 692 euros et pour les lycées entre 5 402 et 12 703 euros. Le sujet des classes bilangues et des options est un rideau de fumée. Les inégalités viennent d’abord du fait que les meilleurs professeurs ne souhaitent pas aller enseigner en ZEP et que les syndicats de l’Education nationale sont les garants du statu quo. Personne n’a envie d’ouvrir la boîte de Pandore…
L’Education nationale ne manque-t-elle pas surtout de super-DRH ?
Aujourd’hui, les vrais « DRH » de l’Education sont les syndicats. Ce sont eux qui interviennent pour les mutations, notamment, cela fonctionne non au mérite, mais au nombre de points si vous êtes pacsé ou marié, etc. Les DRH devraient en réalité être les chefs d’établissement. La Cour des comptes a publié un rapport montrant que l’Education nationale devrait s’inspirer de la gestion RH des établissements de l’enseignement privé sous contrat qui ont un peu plus de latitude dans le choix des professeurs, par exemple, et donc des équipes plus stables et moins absentéistes. Car il faut, pour que la qualité de l’enseignement en France soir tirée vers le haut, pouvoir identifier qui sont les responsables de cette politique publique. Aujourd’hui, trop d’acteurs doublonnent ou « triplonnent » sans avoir vraiment vis-à-vis des parents et des élèves la responsabilité de la qualité du service. Il reste beaucoup de tabous. C’est avec plus de concurrence et d’enseignements alternatifs que l’on peut révéler les talents. Les parents d’élèves l’ont compris depuis longtemps et attendent autre chose que la mascarade de débat qui fait rage à l’heure actuelle sur la réforme du collège
Dernier ouvrage paru : « On va dans le mur… » (Albin Michel).