Le chiffre qui nous tue
Entre 2001 et 2015, le nombre d’emplois dans le secteur privé n’a pas augmenté. Une spécificité bien française.
T out
le mal français tient dans un simple nombre à huit chiffres : 15 848 000. C’est, selon l’Insee, le décompte des emplois dans le secteur privé à la fin 2015. Et c’est aussi, à quelques milliers près, le niveau que l’emploi avait déjà atteint… au quatrième trimestre 2001. En quatorze ans, la France n’a donc pas créé d’emploi privé – en réalité, ce nombre est légèrement monté jusqu’en 2008, pour redescendre ensuite, à cause de la crise. Pourtant, entre 2001 et 2015, la population française est passée de 61 à 66 millions d’habitants. Comment peut-on avoir 5 millions d’habitants supplémentaires et pas un emploi de plus ? A quoi sont occupés ces Français surnuméraires ?
La première explication est démographique : nous avons 13,4 millions de retraités aujourd’hui, alors qu’il n’y en avait que 9,8 millions en 2001 –- les effets du vieillissement de la population. On mesure avec cette augmentation le choc subi par les régimes de retraite : + 36 % de pensionnés sur quatorze ans, soit 3,6 millions d’individus en plus. Quel régime aurait pu tenir avec une telle révolution démographique ?
Seconde explication, l’extraordinaire montée du chômage que nous avons connue depuis 2001. Le nombre de sans-emploi au sens du Bureau international du travail, qui a une définition un peu plus restrictive que celle de Pôle emploi, est passé de 2 à 3 millions sur la période. Soit une croissance de 1 million de personnes. Sur ces quatorze années, la France a donc fabriqué massivement des retraités et des chômeurs.
Pour autant, cela ne suffit toujours pas à expliquer en totalité l’écart. Il faut alors s’intéresser à l’emploi salarié public. Il est passé, sur la période, de 5 millions (hors contrats aidés et vacataires) à 5,4 millions : + 400 000 fonctionnaires. Une croissance imputable pour l’essentiel à la fonction publique territoriale, alors que celle de l’Etat a sensiblement baissé et que la fonction publique hospitalière n’a que légèrement progressé.
Entre 2001 et 2015, la France a donc fabriqué 3,6 millions de retraités, 1 million de chômeurs et 400 000 fonctionnaires territoriaux. Soit un total de 5 millions de personnes, c’est-à-dire peu ou prou l’augmentation de la population de notre pays sur les quatorze années concernées…. Alors que, dans le même temps, le secteur privé n’a pas bougé. Une incroyable disproportion, problématique, car le trait commun aux retraités, aux chômeurs et aux fonctionnaires est qu’ils vivent de la redistribution : leurs pensions, indemnités ou traitement proviennent des prélèvements sur la création de richesse et en particulier sur le secteur privé, par le biais des impôts.
Le nombre de « prélevants » a donc explosé, alors que le nombre de « prélevés » n’a pas changé. Il n’y a pas d’autre explication à la montée de la charge fiscale française sur la période, ainsi qu’à l’explosion de la dette publique, nourrie par les déficits récurrents, eux-mêmes causés par les transferts croissants…
En quinze ans, la France a fabriqué 3,6 millions de retraités, 1 million de chômeurs et 400 000 fonctionnaires.