Le Point

Quand le président use d’un symbole pour pièger ses rivaux à droite

- E. B.

« Avec la déchéance de la nationalit­é, François Hollande a ouvert la boîte de Pandore. » Alain Juppé reconnaît par là l’habileté tactique d’un président passé maître dans l’art de la triangulat­ion : proposer la constituti­onnalisati­on de la déchéance, une mesure jadis proposée par Nicolas Sarkozy pour les assassins de policiers, et contraindr­e ainsi la droite parlementa­ire à lui offrir, sur un plateau, une révision constituti­onnelle. Et le piège fonctionne : chacun des ténors de la droite s’entortille pour dénoncer la manoeuvre, le caractère totalement inefficace de la déchéance face aux dangers terroriste­s, mais au bout du compte chacun admet qu’il approuve au fond cette révision de la loi fondamenta­le. Comment lutter contre l’opinion, qui approuve la déchéance à 85 % (Opinionway pour Le Figaro) ? Qui oserait prendre à rebrousse-poil une opinion chauffée à blanc par la vague d’attentats ? Certaineme­nt pas Bruno Le Maire, qui réclame une commission d’enquête parlementa­ire sur les attentats, dénonce la diversion du pouvoir sur la déchéance (comme François Fillon), mais qui finit par rendre les armes : « La déchéance est une mesure symbolique utile et que je voterai. » Eric Ciotti, qui l’avait proposée au Parlement par amendement (à l’époque, Bernard Cazeneuve était contre), lui aussi, « par souci de cohérence », votera la révision constituti­onnelle sur la déchéance de nationalit­é et l’état d’urgence. « La meilleure façon de déjouer le piège de Hollande, c’est de voter positiveme­nt la révision constituti­onnelle », ajoute-t-il. Selon nos informatio­ns, Sarkozy, qui est resté silencieux durant les vacances, quand le débat battait son plein, approuvera­it lui aussi la révision. « Il a conscience d’offrir une victoire à Hollande, mais il préfère approuver tout ce qui peut protéger les Français. Et puis, la déchéance, c’est son idée, après tout » , glisse son entourage.

Concernant la gauche, désunie, François Hollande veut « laisser toute sa place au débat parlementa­ire », dit-on à l’Elysée. Traduction : le gouverneme­nt ne fera pas obstacle à tous les amendement­s qui seront à la fois approuvés par le PS et par la droite. Le PS cherche une issue juridique pour frapper symbolique­ment tous les Français condamnés pour terrorisme, et pas seulement les binationau­x

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