Un an après les attentats contre l’épouse du dessinateur signe un livre bouleversant sur le 7 janvier.
Ce livre, c’est ce qu’on appelait, dans la Grèce antique, un thrène : un très beau chant funèbre. Maryse Wolinski était l’épouse de Georges, qui fut assassiné, comme douze autres ce 7 janvier, dans ce qu’on a appelé la tuerie de Charlie Hebdo. Le mot « tuerie », Maryse ne l’aime pas. Elle l’explique dans ces 130 pages qu’elle publie un an jour pour jour après la mort de son époux, et qu’elle a intitulé « Chérie, je vais à Charlie ». Ce sont les derniers mots qu’il lui a dits, ce jour-là. Il était pressé.
C’est un livre tendre : pendant quarante-sept ans, Georges l’a regardée, sa Maryse dont il parlait tant, avec insistance, gourmandise. C’est rare, après quarante-sept ans. Plus rare encore, cette douce manie qu’il avait de laisser à sa femme, un peu partout dans la maison, des Post-it où il lui disait ce qu’il avait fait dans la journée, et combien il l’aimait.
Dans tout chant funèbre, il y a l’hommage au disparu, mais aussi des larmes. Maryse, elle, pleure peu, peut-être parce que la colère l’en empêche. Son livre en donne la raison : elle ne cesse de refaire le film des événements, se demande ce qui s’est passé entre le premier appel à la police, à 11h 18, et 11 h 40, quand c’était trop tard, et s’interroge sur celui « qui a pris la décision d’alléger le dispositif de protection, et pourquoi ? ». Elle mène l’enquête, revient sur l’épuisante attente – personne ne l’aura officiellement prévenue de la mort de son mari. Le 9 décembre dernier, jour où elle a remis le tout premier prix Wolinski de la BD du Point, après avoir accepté qu’on lui donne le nom de Georges, qui fut le bien-aimé président du jury, on a échangé quelques mots à propos de ce livre. Ces mots, les voici :
Le Point : Vous commencez votre livre par une évocation de son regard… Comment vivez-vous aujourd’hui sans lui ? Maryse Wolinski :
Difficilement, car ce regard ne m’a pas quittée pendant quarante-sept ans… Je le revois derrière sa planche à dessin, qu’il avait fièrement