Jean Echenoz, excessivement vôtre
Son facétieux « Envoyée spéciale » met en boîte le roman d’espionnage et l’auteur omniscient avec lui.
Après sa trilogie de vies imaginaires et sa guerre de « 14 », Jean Echenoz retourne au roman de pure imagination, et quel retour ! Tout commence dans un bureau parisien des services secrets, non loin de l’église Notre-Dame-des-Otages (bien réelle), où le général Bourgeaud expose son plan à son second. Pendant ce temps (locution récurrente, l’action se déroulant simultanément dans plusieurs lieux), Constance cherche à s’occuper dans les rues de son 16e arrondissement. La jeune femme est mariée (si peu) à Lou Tausk, ex-star de variétés, lequel, nonobstant ce catastrophique pseudonyme, signa quinze ans plus tôt un tube mondialisé, « Excessif », qui les met à l’abri du besoin. Non loin du cimetière de Passy, l’oisive Constance se fait enlever par un commando fantasque. La pauvre ignore encore que sa mission consistera, tout simplement, à « déstabiliser la Corée du Nord ». Voilà un sort inattendu pour celle qui, ne vivant plus avec son époux ringardisé, passe la plupart de son temps à séduire (ce qui s’avérera utile). En attendant, l’« Echenozgirl » subit l’isolation de rigueur dans une ferme de la Creuse, à Châtelus-le-Marcheix, bourg natal de l’écrivain Pierre Michon, auquel il sera fait référence plus tard. Pendant ce temps, Lou Tausk essaie de refaire surface dans le showbiz, et réagit tièdement, fort des conseils de son demi-frère, un avocat véreux, aux rançons que les geôliers, plutôt sympas, de sa (si peu) épouse lui réclament. C’est son passé, à lui, qui le rattrape peu à peu dans une histoire abracadabrante