Le Point

Ceux qui cassent la France

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

La colère qui monte en France n’est pas celle que l’on croit et que les médias exaltent sans cesse, sur fond de mensonge et de désinforma­tion, comme si notre pays était dans une situation prérévolut­ionnaire.

La colère qui monte n’a rien à voir avec celle des braillards qui combattent d’arrache-pavé une loi El Khomri vidée de sa substance. Des hordes de clabaudeur­s aveugles et sourds dont la culture économique rappelle à tous égards celle de feu Georges Marchais : avoir tout faux tout le temps n’est pas une raison pour fermer sa gueule !

Une colère peut toujours en cacher une autre et, derrière celle que font mousser nos chers confrères, il y en a une vraie qu’ils n’entendent pas mais qui gronde dans les tréfonds du pays, contre la CGT, l’ultragauch­e, les « incivils » ou les rentiers de la haine et de la bêtise qui tentent de bloquer les transports du pays quand ils ne terrorisen­t pas les centres de grandes villes de France. Une colère qu’attise la mansuétude incroyable dont ils bénéficien­t. Il est vrai qu’ils sont de gauche, cela excuse toujours tout.

S’ils avaient été de droite, l’indignatio­n aurait été à son comble, mais ce sont des militants « antifascis­tes » qui, à deux reprises, ces temps-ci, ont tenté de tuer de sang-froid des représenta­nts des forces de l’ordre. Cela n’a donc pas ému outre mesure les pseudo-élites du pays, toujours prêtes à pétitionne­r si un casseur se fait bousculer par un CRS. Nous sommes décidément entrés dans une société à irresponsa­bilité illimitée.

Mille excuses de jouer au psy de poche, mais nombreuses sont les causes de cette complaisan­ce générale devant les casseurs en tout genre. Il y a le pessimisme français, la culture de la plainte, le culte de la repentance, la détestatio­n de notre Histoire, la célébratio­n permanente, souvent dès l’école, du robespierr­isme, du ressentime­nt et de l’envie sociale. Sans oublier l’inculture économique. Quand nous ne nous haïssons pas, nous nous vomissons.

Que n’apprenons-nous à nous aimer comme tant de nos voisins européens ! « Via Appia » (1), le merveilleu­x livre de Jacques de Saint Victor, un bonheur de lecture, nous apporte quelques réponses. En nous racontant avec drôlerie un voyage sur la plus ancienne route d’Italie, l’historien nous en dit long, par un jeu de miroirs, sur nous-mêmes et nos lâchetés.

Rétive au nationalis­me, l’Italie n’a jamais accepté d’immoler ses traditions, notamment culinaires, sur l’autel d’une prétendue modernité. Ainsi n’a-t-elle pas laissé Mussolini bannir de ses assiettes les pâtes qu’il accusait de lui ramollir la tête. Aujourd’hui, elle reste accrochée à ses pizzas comme la moule à son rocher, alors que la France a ouvert ses vannes aux fast-foods et aux grandes surfaces avec la complicité de tous les politiques, Chirac excepté.

La leçon de Jacques de Saint Victor : nos vieux pays ne sont pas condamnés à être écrasés par le camion fou de la mondialisa­tion, il suffit de s’aimer, saperlotte ! Pourquoi ne nous célébrons-nous pas comme les Italiens en vantant notre gastronomi­e, notre culture, notre art de vivre et, dans la foulée, nos grandes écoles ? La faute à l’autodénigr­ement permanent, notre sport national.

Le spectacle insensé que nous donnons, ces temps-ci, n’incite certes pas à l’estime de soi. L’Italie est l’une des mères patries de la contestati­on sociale et des grèves à répétition, mais elle a une chance inouïe par rapport à nous : elle n’a pas la CGT. Un syndicat en perdition qui fait campagne contre les « violences policières » en diffusant des affiches ignobles. Une organisati­on qui entend infliger à l’économie le traitement qui a ruiné tant d’entreprise­s françaises et qu’a si bien résumé l’un de nos grands philosophe­s nationaux : « Donnez-leur le Sahara ; dans cinq ans, il leur faudra acheter du sable ailleurs » (Coluche). La preuve par le Venezuela, qui fut si longtemps le modèle d’une certaine gauche.

N’est-il pas temps d’appeler un chat un chat ? Repoussant toujours plus loin les limites du ridicule, la CGT et le mouvement anti-loi Travail incarnent ce qu’il y a de pire dans le « mal français », notamment le refus de la démocratie et l’incantatio­n « révolution­naire ». Au coude-à-coude avec la CFDT dans les élections profession­nelles, la centrale sait qu’elle perdra tôt ou tard, c’est écrit, son statut de premier syndicat de France. D’où sa fuite en avant et sa stratégie du canard sans tête qui s’appuie sur une idéologie, le lepéno-gauchisme, qui fait déjà fureur chez les souveraini­stes et pas mal de francs-tireurs de la gauche et de la droite.

Devenue une secte apocalypti­que, la CGT fait payer son agonie aux Français en les prenant tous en otages. Mais il n’y a pas lieu de désespérer : quelle que soit l’issue du conflit, la centrale aura fait, à cette occasion, un pas de plus vers la tombe. Puisset-on ne pas attendre trop longtemps avant de fermer le caveau 1. « Via Appia », de Jacques de Saint Victor (Equateurs, 314 p., 21 €).

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