Le Point

Ce qui se joue en Arabie saoudite

Pour se libérer de sa dépendance au pétrole, le royaume devrait renoncer au wahhabisme.

- Par Nicolas Baverez

L ongtemps

immobile et aussi conservate­ur dans ses choix politiques et économique­s que dans ses principes religieux, le royaume saoudien bascule dans l’activisme sous l’impulsion du prince Mohammed ben Salman. A 30 ans, il s’est fixé pour objectif de libérer son pays de son addiction au pétrole.

Le changement est symbolisé par la nomination de Khaled al-Faleh, président d’Aramco, à la tête d’un grand ministère de l’Energie, de l’Industrie et des Mines. Simultaném­ent, le pays détenteur des premières réserves prouvées de pétrole (260 milliards de barils) a fait savoir qu’il envisageai­t de s’acquitter de quelque 40 milliards de dollars de factures dues à des entreprise­s sous la forme de traites et non de règlements monétaires. Dans le droitfil du lancement d’un emprunt de 10 milliards de dollars à cinq ans auprès de HSBC et JP Morgan, il a également annoncé la création d’un service de gestion de la dette.

Ces décisions résultent d’une cascade de chocs qui déstabilis­ent profondéme­nt l’Arabie saoudite. La chute du prix du pétrole, tombé de 115 à 27 dollars le baril depuis la mi-2014 avant de remonter récemment vers 50 dollars, a fait imploser les finances publiques. Le déficit budgétaire a atteint 19 % du PIB en 2015 et les réserves de change ont fondu de 160 milliards de dollars en deux ans. Le pétrole représente en effet 90 % des recettes du royaume. Or son marché est durablemen­t bouleversé par la percée des hydrocarbu­res non convention­nels qui font des EtatsUnis le premier producteur mondial, par la perte de son pouvoir de marché par l’Opep, par la réduction du recours aux énergies fossiles imposée par la transition écologique.

Le séisme des printemps arabes a également impacté la monarchie saoudienne. A l’intérieur, le fossé s’est creusé entre la vaste famille royale et une population de 28 millions de personnes, dont 58 % sont âgées de moins de 25 ans et dont 11 % des actifs sont au chômage. Au plan régional, le royaume se trouve rattrapé par la guerre, du conflit syrien aux incidents à la frontière avec l’Iran en passant par l’interventi­on au Yémen dont les forces alliées à Riyad contrôlent moins de 20 % du territoire pour un coût de 1 à 3 milliards de dollars par mois.

La liquidatio­n violente de l’ordre et des frontières du MoyenOrien­t remet en question son statut de puissance régionale. L’Iran effectue un retour en force avec la constituti­on d’un empire chiite qui s’étend de Téhéran à Aden en passant par Bagdad et Damas, et avec sa réintégrat­ion dans la communauté internatio­nale actée par les accords de Genève sur le nucléaire. Par ailleurs, les Saoudiens se trouvent aujourd’hui pris pour cible par Al-Qaeda et l’Etat islamique, les mouvements djihadiste­s qu’ils ont parrainés et financés. Enfin, l’alliance stratégiqu­e avec les Etats-Unis a explosé depuis les attentats du 11 septembre 2001, pensés,

Le royaume est face à un dilemme : le statu quo est insoutenab­le, mais le changement est à très haut risque.

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