Le Point

Maël de Calan, le blairiste de Juppé

Ce conseiller discret capitalise sur son expérience dans le privé.

- PAR LAURELINE DUPONT ET MARC VIGNAUD

«A l’époque où les jeunes étaient giscardien­s, on travaillai­t 40 heures par semaine, on partait à la retraite à 65 ans, il y avait 1 million de fonctionna­ires de moins. » Qui est ce grand dadais à la tête de « poupon » – dixit Juppé – pleurant ainsi, micro en main, la fin du giscardism­e et de sa politique libérale ? Ce 10 mai au soir, au Palais des congrès, où Juppé présente son livre « Cinq ans pour l’emploi », rares sont ceux qui dans le public mettent un nom sur le visage de cet orateur e x a l t é . Qu e l q u e s a u d i t e u r s physionomi­stes se souviennen­t vaguement de l’avoir vu défendre le programme du courant La Boîte à idées au moment de l’élection du président de l’UMP en 2012… Audelà du port de Roscoff, dans le nord du Finistère où il vit, travaille et siège au conseil municipal, Maël de Calan demeure un quasiincon­nu. Comme tous ceux qui barbotent dans la politique, le jeune homme de 36 ans au parcours rectiligne (Sciences po, HEC, premier job en banque d’affaires) sait que les jalousies sont vite attisées. Alors, prudent, il minimise son rôle. Et insiste : « Je ne suis pas le gourou économique d’Alain Juppé . »

Son livre « La vérité sur le programme du FN » lui a pourtant permis de faire écrire par quelqu’un d’autre (son éditeur, Plon) cette petite phrase en quatrième de couverture : « Il conseille Alain Juppé sur les questions de politique économique. » Enfin, c’est dit. Depuis le début de la campagne du préféré des sondages, Maël de Calan divise donc son temps entre la start-up bretonne de biotechnol­ogie dont il est directeur financier et le bureau parisien (nomade, chez Juppé, pas de bureau attitré !) qu’il partage avec Pierre-Mathieu Duhamel. L’ancien dircab adjoint de Juppé à Matignon devenu pilote des groupes de travail « économie et finances publiques » loue « la bonne humeur, l’esprit et l’humour » de ce spécialist­e des comptes de l’Etat, « guidé par un souci de sobriété et d’efficacité » . Pierre-Emmanuel Thiard, avec lequel il avait travaillé sur le programme économique de Sarkozy en 2012, vante, lui, sa rigueur extrême et son obsession du chiffre juste.

Mais c’est aussi son « expérience tout privé » – il n’a jamais travaillé dans la fonction publique – qui fait de lui un précieux pilier de l’équipe juppéiste. Durant la phase d’élaboratio­n du dernier livre-programme du candidat, « il a pu apporter un éclairage très concret en expliquant comment fonctionne une PME » grâce à son job en entreprise, commente Duhamel. Une formation dont il se sert également pour prôner un libéralism­e qu’il qualifie de « pragmatiqu­e » , loin, très loin d’un Madelin trop idéologue à ses yeux.

Procès en modération. « Je me définis comme libéral au sens d’Aron, explicite l’intéressé. C’est-à-dire libéral au plan politique, comme la deuxième gauche ou la droite depuis près de cent ans. Raymond Aron fait le lien entre libéralism­e politique et un certain degré de libéralism­e économique dans son “Essai sur les libertés”. Je suis favorable à l’interventi­on de l’Etat et à la régulation du marché. » Sa référence ? Le travaillis­te Tony Blair, pour qui « What counts is what works » (ce qui compte, c’est ce qui marche).

N’attendez pas de déclaratio­n tonitruant­e ni de propositio­n fracassant­e, le libéralism­e de Maël de Calan ressemble à son patron : modéré. Pardon, « crédible ». « II y a un procès en modération fait à Juppé ; à mon sens, c’est une marque de crédibilit­é, insiste-t-il. Quand il promet de supprimer entre 250 000 et 300 000 postes dans la fonction publique, c’est après avoir cherché très précisémen­t à comprendre qui allait prendre sa retraite. Il y a d’autres candidats qui vont beaucoup plus loin en la matière, ce n’est pas rassurant. Cela montre, je pense, qu’ils n’ont pas regardé en détail les conséquenc­es. »

Exigeant envers lui-même, le conseiller l’est aussi pour sa carrière politique. Installé en Bretagne pour éviter les procès en parachutag­e, il espère décrocher l’investitur­e pour les législativ­es. Avant de gagner Bercy ?

« Je suis favorable à l’interventi­on de l’Etat et à la régulation du marché. »

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