Lettre aux révolutionnaires de 20 ans
Les jeunes se trompent de combat, juge l’essayiste libéral.
«S i on n’est pas communiste à 20 ans, c’est qu’on n’a pas de coeur. Si on l’est toujours à 40 ans, c’est qu’on n’a pas de tête. » Personne ne sait qui de Shaw ou de Churchill a inventé cette célèbre formule, mais tout le monde conviendra qu’elle anime, à chaque génération nouvelle, sa minorité hurlante, tétanisant le pouvoir et tuant dans l’oeuf l’audace réformiste dont les plus jeunes et les moins qualifiés seraient pourtant les grands gagnants.
Il est évidemment révoltant d’assister au grippage croissant de l’ascenseur social dans un pays où plus d’un jeune sur quatre pointe au chômage. A l’indignation légitime des jeunes devrait cependant succéder non un pâle remake de Mai 68, embourbé dans le mimétisme nostalgique et chevelu de leurs grands-parents, mais une analyse objective invitant à renverser vraiment la table.
Les générations précédentes nous ont en effet transmis une dette irrécouvrable, un rapport maladif à la réussite et un marché du travail fonctionnant comme une machine à trier. Ce dernier est si rigide qu’un dirigeant d’entreprise, assailli de pression fiscale, est désincité à embaucher. Une personne née en 1975 n’a dès lors connu dans sa vie que 15 trimestres sur 164 pendant lesquels le chômage des jeunes était inférieur à 10 %. Tous ont précédé ses 4 ans… covoiturage. Il en va de même pour le prêt de chambre à un ami avec Airbnb.
Autre raison pour la nouvelle génération de rompre avec la fatalité néosocialiste, le succès objectif des réformes d’inspiration libérale sur le sort des plus jeunes. En Grande-Bretagne, le taux de chômage des jeunes est passé de 21 % en 2011 à 14 % en 2015 parce que Cameron a augmenté de un à deux ans l’ancienneté nécessaire pour se prévaloir d’un licenciement abusif et a réduit son coût pour les entreprises. En Espagne, Rajoy a autorisé le licenciement en cas de pertes non seulement effectives mais également anticipées et a fait primer les accords d’entreprise sur les accords de branche pour la fixation du temps de travail et les rémunérations. Le taux de chômage des moins de 24 ans est alors tombé à 49 % au deuxième trimestre 2015, contre 58 % en 2013.
La passion de la liberté rejoint enfin tant d’idéaux associés à ceux de la nouvelle génération, de l’ambition d’autonomie à la dénonciation des préjugés racistes, de la liberté sexuelle au goût du monde nouveau, de la compréhension humaine des migrations à la générosité privée, de l’égalité des chances à la passion de la modernité.
On croise souvent dans la vie d’anciens marxistes ou d’anciens trotskistes. Jamais, en revanche, on ne tombe sur un ancien libéral ! Dès lors, parce qu’« on n’a pas tous les jours 20 ans », ne perdez pas de temps, amis de 20 ans : cessez de défendre des idées ringardes, jouant contre vous, et faites enfin triompher l’amour de la liberté. Vous deviendrez alors d’authentiques révolutionnaires et serez les premiers à y gagner !
Dernier ouvrage paru : « Dictionnaire amoureux de la liberté » (Plon).