Le Point

Xi Jinping veut convertir la Chine au ballon rond. Reportage sur une révolution.

- PAR SÉBASTIEN FALLETTI, ENVOYÉ SPÉCIAL À QINHUANGDA­O Pékin

Son pied trépigne sous la table. Il y a de quoi. Dès la 3e minute, l’attaquant du Henan Jianye a ouvert le score d’une jolie tête, se jouant de la défense centrale, dépassée. Décidément, ce libero australo-turc est lent à la détente, en dépit d’un salaire confortabl­e. Au dernier rang de la tribune de presse, Ye Jun, le président du Hebei China Fortune FC, pressent que la soirée va être longue. Il tire sur sa cigarette pendant que son adjoint siffle un Red Bull. « Nous pouvons contrer le sabre qui s’abat ! » hurle pourtant la horde de supporteur­s « rouges » massés dans la tribune populaire, entraînant les 21 000 spectateur­s. Leurs chants de guerre résonnent dans le stade à moitié rempli de Qinhuangda­o, avant de s’envoler dans le ciel pollué de la province du Hebei. Autour du complexe, des barres d’immeubles de 30 étages, pour la plupart fantômes, et un Shangri-La sur la plage donnant sur le golfe de Bohai, où seulement une poignée de chambres sont occupées. Nous sommes à quelques kilomètres de Beidaihe, la station balnéaire où les caciques du Parti se retrouvent chaque été depuis l’ère Mao pour ourdir leur prochain plénum et déguster des fruits de mer dans de grandes villas protégées par des militaires. Une sorte de Deauville communiste, sans le casino, la crasse en plus.

C’est le nouveau domicile d’Ezequiel Lavezzi, le fantasque ailier gauche du PSG, plus habitué aux boîtes des Champs-Elysées et à la dolce vita du Napoli, où il gagna la Coupe d’Italie. La star argentine couverte de tatouages a quitté en février le camp des Loges pour débarquer au Hebei CFFC. Un club tout juste promu en Super League chinoise, l’équivalent de la L1, dans ce pays qui pointe à la 96e place du classement de la Fifa. « Ce n’était pas facile de les faire venir. Mais notre offre était très attractive », confie en souriant Ye Jun. Il a fait plusieurs fois le voyage à Paris pour séduire El Pocho. A la clé, un contrat juteux de 15 millions d’euros par an, qui fait de l’Argentin l’un des cinq footballeu­rs les mieux payés de la planète, talonnant Ronaldo ou Messi. Un contrat qui ne se refuse pas à 31 ans, l’âge où un attaquant doit assurer ses arrières. Et mettre ses ambitions sportives au placard ?

Sur le terrain, l’ex-Parisien donne le change, sans forcer. A la 23e minute, il initie un beau mouvement en une-deux conclu par l’égalisatio­n. Le stade rugit et scande « Lavezzi » , version mandarin. Juste avant la mi-temps, la foule se lève et nous aussi, lorsque Gervinho, autre star importée d’Europe, met le turbo sur l’aile gauche

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