Franck Nicolas : « Le marché ne rebondira pas avant l’été »
Ralentissement de l’économie américaine, Brexit… Le directeur des investissements de Natixis AM a réduit ses positions en actions.
Le rebond des Bourses constaté depuis février est-il terminé ? Franck Nicolas :
Nous nous attendons à une hausse de la volatilité, voire à une correction en raison de la montée des risques. La mauvaise nouvelle la plus importante est la décélération de la croissance américaine depuis janvier. Certes, elle est traditionnelle au premier trimestre, mais les chiffres d’avril, sans être catastrophiques, n’augurent rien de bon pour la production industrielle, l’investissement, la consommation et l’emploi. Avec seulement 160 000 créations de postes, le ralentissement devient réalité. A cela s’ajoute une conjoncture européenne et japonaise qui peut de moins en moins compter sur ses instruments de relance. Le seul élément positif est venu de Chine. Il n’y aura pas d’atterrissage brutal en 2016 compte tenu des parades mises en place par les autorités.
Quel impact pourrait avoir un Brexit ?
L’impact serait surtout politique, mais les marchés devraient réagir négativement. Il existe en effet un risque de contamination aux pays les plus faibles et donc de redémarrage de la crise de la zone euro. Cela devrait se traduire par une augmentation des écarts de taux entre les pays de la zone et un affaiblissement de l’euro. Les investisseurs étrangers pourraient se désengager à nouveau de la zone. En Grande-Bretagne, la banque centrale et le gouvernement pourraient être tentés de laisser les taux monter et la livre sterling se déprécier. Cela leur permettrait de dégonfler la bulle sur les prix des actifs et de réduire le déficit de la balance courante. Le Brexit n’est toutefois pas notre scénario.
D’autant que le problème de la Grèce n’est pas réglé…
Franck Nicolas, directeur Investissement et Solutions clients chez Natixis AM.
Dans les prochaines semaines, il faut s’attendre qu’Alexis Tsipras exerce un chantage pour obtenir une annulation d’une partie de la dette, ce que les Allemands refusent, d’où des tensions. Les marchés, actuellement, minimisent le risque, mais il pourrait resurgir.
L’Europe n’est-elle pas en train de perdre, avec la hausse du prix du pétrole et de l’euro, les ressorts de ce qui fit la croissance en 2015 ?
Pas complètement. Les taux demeurent à des niveaux très bas. Le pétrole et l’euro ne sont pas remontés à leurs niveaux les plus hauts. Mais il est indéniable que deux moteurs sur trois sont moins bien orientés qu’il y a un an. D’autant qu’il existe un risque de contagion à l’Europe du ralentissement américain si ce dernier perdure.
Les banques centrales n’ont-elles pas échoué à relancer la croissance ?
Il faut voir le verre à moitié plein. Sans leur politique, le chômage aurait été plus élevé, la confiance plus dégradée. Elles ont donné du temps aux Etats pour agir. Dommage qu’ils n’en aient pas profité pour réformer davantage.
Le ralentissement américain vous paraît-il durable ?
Les Etats-Unis ont une capacité de rebond importante liée au poids de l’innovation, à la flexibilité de leur marché du travail, à leur autosuffisance en énergie… Le ralentissement relève du trou d’air. La croissance devrait tomber à 1,5-2 %, puis rebondir.
La Fed va-t-elle relever ses taux en juillet ?
Janet Yellen a reconnu une asymétrie : la Fed sait mieux combattre l’inflation que la déflation. Ce qui devrait la conduire à maintenir les taux bas même s’il y a un peu d’inflation. Toutefois, pour ne pas se décrédibiliser, elle devrait augmenter une fois, au lieu de trois, les taux en 2016. La prochaine hausse pourrait être retardée à septembre, voire à décembre.
Le ralentissement de la Chine, qui a été le déclencheur de la correction du début de l’année, peut-il être perpétuellement contenu ?
C’est tout le problème. La croissance est artificielle. Elle se fait au prix d’une hausse de l’endettement. Pour 1 point de PIB supplémentaire, la dette augmente de 4 points. Ce n’est pas soutenable à moyen terme et peut mal se terminer. Déjà, on