Le Point

Sénanque écrit au couteau

- PAR FRANZ-OLIVIER GIESBERT

Q ue

fait la police ? Il n’est pas normal qu’un individu se faisant appeler Antoine Sénanque continue de sévir en toute impunité dans le monde des lettres pour y répandre ses abominatio­ns. Encore une preuve que le laxisme judiciaire est toujours la règle d’or de ce pouvoir bien après le départ de Mme Taubira.

La publicatio­n de « Jonathan Weakshield » devrait pourtant amener nos dirigeants à prendre d’urgence les mesures qui s’imposent contre le dénommé Antoine Sénanque. Voici un roman qui ne ressemble à rien, où ça dézingue sans cesse, sur fond de détails scabreux et de scènes sanguinole­ntes. On a enfermé des gens pour moins que cela. Ce livre n’a même pas été interdit à la vente aux moins de 16 ans. Or sa lecture ne peut que troubler les esprits des lycéens. Enfant de Charles Dickens, d’Eugène Sue et de San-Antonio t e ndance Bé r ur i e r, Antoi ne Sénanque écrit au couteau, qu’il trempe dans l’acide ou la chaux vive, démarche subversive dans un pays où les écrivains carburent le plus souvent à la camomille.

En plus, il ne raconte même pas une histoire d’inceste ou d’adultère entre deux intermitte­nts du spectacle à Saint-Germain-des-Prés, sur fond de déclin de l’Occident. Cet homme est un pervers qui aime faire couler le sang, cela crève les yeux dès les premières lignes. L’intrigue : en 1897, Scotland Yard décide de rouvrir le dossier Jonathan Weakshield après que des empreintes digitales découverte­s sur une lettre ont prouvé que cet affreux caïd des bas-fonds londoniens est toujours vivant, alors qu’il avait été déclaré mort quinze ans plus tôt. La police et la presse vont se mettre sur sa piste. Accrochez vos ceintures !

Longue est la liste des atrocités et des rebondisse­ments qui scandent ce roman foutraque, d’une grande créativité, plein de talent et de charognes. Antoine Sénanque déroule son récit à tombeau ouvert, en faisant fi de toute limitation de vitesse. Il n’a peur de rien, ni des étincelles ni des tête-à-queue. C’est ce qui fait de « Jonathan Weakshield » le premier olni (objet littéraire non identifié) de l’année.

Les mauvais coucheurs se rassureron­t en observant qu’Antoine Sénanque n’a aucune des caractéris­tiques qui permettent de faire une vraie grande carrière dans les lettres françaises contempora­ines : 1) il a une imaginatio­n débordante ; 2) l’action de son livre se déroule à l’étranger ; 3) il n’a peur de rien, surtout pas de choquer ou d’en faire trop. C’est bien ce qui fait la saveur et l’étrangeté de son roman « Jonathan Weakshield », d’Antoine Sénanque (Grasset, 390 p., 20 €).

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Antoine Sénanque.

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