Donald Trump de la Tourette
Donald Trump sera-t-il le prochain président américain ? Nos chers confrères sont convaincus du contraire sous prétexte qu’il serait zinzin. Qu’il nous soit permis de les contredire au moins sur deux points : il peut être élu et il est beaucoup moins fou qu’ils le disent, c’est même un professionnel de la manipulation des masses.
Désormais, il n’a plus besoin de semer la peur, elle est là, l’Etat islamique vient de la lui servir sur un plateau. L’attentat d’Orlando – la fusillade la plus meurtrière de l’histoire des Etats-Unis – mettra forcément du vent dans les voiles de celui qui recommandait, il y a peu, d’interdire l’entrée du territoire américain aux étrangers musulmans.
Trump ne manque certes pas de handicaps : les meilleurs hiérarques du Parti républicain lui sont très hostiles ; c’est un bleu en matière électorale ; ses propositions sont souvent loufoques ; il ne délègue jamais rien à personne ; crasse est son ignorance sur les grandes questions économiques et géostratégiques.
Le syndrome de Gilles de la Tourette, ou SGT (ne pas confondre avec CGT), n’est pas le moindre des handicaps de Trump. C’est un trouble neurologique héréditaire caractérisé par une abondance de tics incontrôlables, notamment sur le visage ou au niveau des épaules. Il peut se traduire aussi par des reniflements, des clappements de langue, de brusques changements d’humeur ou une tendance très handicapante – qu’on appelle la coprolalie – à proférer des grossièretés à tout bout de champ. C’est une maladie difficile à vivre pour les patients, bien sûr, mais aussi pour leur entourage ou pour les peuples quand, par malheur, leurs dirigeants en sont affectés. Mais elle n’est pas rédhibitoire. La preuve, elle n’a pas empêché des personnalités comme André Malraux et bien d’autres de faire carrière ou de déployer leur génie. Il n’est pas absurde de penser que le candidat républicain à la prochaine présidentielle américaine est atteint de ce syndrome – pas du tic des épaules comme d’autres, non, mais de la coprolalie. C’est ce qui contribue à faire de Donald Trump un candidat saugrenu, moulinet à invectives.
Comme diraient les marxistes, Trump est un symptôme, pas une cause. Il incarne une Amérique à bout dont le rêve a tourné au cauchemar : celle de classes moyennes saignées à blanc qui, comme les pauvres bêtes emportées par les flots, cherchent une branche à laquelle se raccrocher. Pour le moment, c’est lui la branche. Par une imposture inouïe, ce milliardaire braillard et égocentrique est devenu leur porte-parole ainsi que celui des petits, des paumés, des sans-grade. Il a même réussi à se faire passer pour une sorte de Robin des Bois du bas peuple.
Le phénomène Trump est d’autant plus hallucinant que l’homme n’a aucun charme. Orateur déplorable, d’un ennui mortel, à la Castro ou à la Chavez, il n’a rien à voir avec Ronald Reagan, auquel nos médias déculturés le comparent souvent. L’ancien président, dont l’auteur de ces lignes a suivi la première campagne, en 1980, était un personnage irrésistible. Un prince du charisme et de l’autodérision, qui avait trouvé un slogan génial : « Make America Great Again », dont Trump prétend aujourd’hui, contre l’évidence, être l’inventeur.
Trump éructe et insulte, c’est à peu près tout ce qu’il sait faire. Il hurle contre les « élites » et ne cesse de fustiger le « système » avec une rhétorique ultraprotectionniste et cégéto-lepéniste : Marine Le Pen et la CGT seraient au demeurant fondées à lui demander des droits de reproduction. S’il fascine les foules, c’est sans doute moins pour ses idées, variables et sommaires, que pour sa capacité incroyable à choquer le chaland, à se contredire effrontément ou à pourrir ses adversaires. Du grand spectacle : ses apparitions sont des attractions.
Le quatrième pouvoir, c’est-à-dire la presse, est à la fois l’idiot utile et l’allié objectif de ce croquemitaine à casquette rouge qui n’aime rien tant que provoquer les journalistes. En cherchant sans arrêt à dézinguer Trump, ils n’ont réussi qu’à le renforcer, du moins jusqu’à présent. Il est leur invention, leur créature. C’est grâce à eux qu’il a pu se présenter auprès des Américains comme le grand ennemi du « politiquement correct ». Après le trop long règne de Bambi-Obama, ils ont comme une envie de Dark Vador.
Bush + Obama = Trump. Le candidat républicain est le produit de près de seize ans de gestion calamiteuse de la première puissance du monde, par Bush-le-guerrier puis Obama-le-narcisse, deux politiciens à la petite semaine partageant la même absence de vision. Donald Trump arrive à un moment où tout le monde, dans notre vieil Occident fatigué, commence à s’interroger sur son modèle démocratique. Politiquement, tout y semble possible. N’importe quoi aussi.
Qu’un homme de tradition démocrate ait réussi avec tant d’aisance son OPA sur le Parti républicain est une arnaque qui permettra à Trump d’entrer dans les livres d’histoire. Pour la suite, s’il parvient à battre les Clinton, ces Thénardier modernes, il ne nous restera plus qu’à attacher nos ceintures !