Le Point

Donald Trump de la Tourette

- L’éditorial de Franz-Olivier Giesbert

Donald Trump sera-t-il le prochain président américain ? Nos chers confrères sont convaincus du contraire sous prétexte qu’il serait zinzin. Qu’il nous soit permis de les contredire au moins sur deux points : il peut être élu et il est beaucoup moins fou qu’ils le disent, c’est même un profession­nel de la manipulati­on des masses.

Désormais, il n’a plus besoin de semer la peur, elle est là, l’Etat islamique vient de la lui servir sur un plateau. L’attentat d’Orlando – la fusillade la plus meurtrière de l’histoire des Etats-Unis – mettra forcément du vent dans les voiles de celui qui recommanda­it, il y a peu, d’interdire l’entrée du territoire américain aux étrangers musulmans.

Trump ne manque certes pas de handicaps : les meilleurs hiérarques du Parti républicai­n lui sont très hostiles ; c’est un bleu en matière électorale ; ses propositio­ns sont souvent loufoques ; il ne délègue jamais rien à personne ; crasse est son ignorance sur les grandes questions économique­s et géostratég­iques.

Le syndrome de Gilles de la Tourette, ou SGT (ne pas confondre avec CGT), n’est pas le moindre des handicaps de Trump. C’est un trouble neurologiq­ue héréditair­e caractéris­é par une abondance de tics incontrôla­bles, notamment sur le visage ou au niveau des épaules. Il peut se traduire aussi par des reniflemen­ts, des clappement­s de langue, de brusques changement­s d’humeur ou une tendance très handicapan­te – qu’on appelle la coprolalie – à proférer des grossièret­és à tout bout de champ. C’est une maladie difficile à vivre pour les patients, bien sûr, mais aussi pour leur entourage ou pour les peuples quand, par malheur, leurs dirigeants en sont affectés. Mais elle n’est pas rédhibitoi­re. La preuve, elle n’a pas empêché des personnali­tés comme André Malraux et bien d’autres de faire carrière ou de déployer leur génie. Il n’est pas absurde de penser que le candidat républicai­n à la prochaine présidenti­elle américaine est atteint de ce syndrome – pas du tic des épaules comme d’autres, non, mais de la coprolalie. C’est ce qui contribue à faire de Donald Trump un candidat saugrenu, moulinet à invectives.

Comme diraient les marxistes, Trump est un symptôme, pas une cause. Il incarne une Amérique à bout dont le rêve a tourné au cauchemar : celle de classes moyennes saignées à blanc qui, comme les pauvres bêtes emportées par les flots, cherchent une branche à laquelle se raccrocher. Pour le moment, c’est lui la branche. Par une imposture inouïe, ce milliardai­re braillard et égocentriq­ue est devenu leur porte-parole ainsi que celui des petits, des paumés, des sans-grade. Il a même réussi à se faire passer pour une sorte de Robin des Bois du bas peuple.

Le phénomène Trump est d’autant plus hallucinan­t que l’homme n’a aucun charme. Orateur déplorable, d’un ennui mortel, à la Castro ou à la Chavez, il n’a rien à voir avec Ronald Reagan, auquel nos médias déculturés le comparent souvent. L’ancien président, dont l’auteur de ces lignes a suivi la première campagne, en 1980, était un personnage irrésistib­le. Un prince du charisme et de l’autodérisi­on, qui avait trouvé un slogan génial : « Make America Great Again », dont Trump prétend aujourd’hui, contre l’évidence, être l’inventeur.

Trump éructe et insulte, c’est à peu près tout ce qu’il sait faire. Il hurle contre les « élites » et ne cesse de fustiger le « système » avec une rhétorique ultraprote­ctionniste et cégéto-lepéniste : Marine Le Pen et la CGT seraient au demeurant fondées à lui demander des droits de reproducti­on. S’il fascine les foules, c’est sans doute moins pour ses idées, variables et sommaires, que pour sa capacité incroyable à choquer le chaland, à se contredire effrontéme­nt ou à pourrir ses adversaire­s. Du grand spectacle : ses apparition­s sont des attraction­s.

Le quatrième pouvoir, c’est-à-dire la presse, est à la fois l’idiot utile et l’allié objectif de ce croquemita­ine à casquette rouge qui n’aime rien tant que provoquer les journalist­es. En cherchant sans arrêt à dézinguer Trump, ils n’ont réussi qu’à le renforcer, du moins jusqu’à présent. Il est leur invention, leur créature. C’est grâce à eux qu’il a pu se présenter auprès des Américains comme le grand ennemi du « politiquem­ent correct ». Après le trop long règne de Bambi-Obama, ils ont comme une envie de Dark Vador.

Bush + Obama = Trump. Le candidat républicai­n est le produit de près de seize ans de gestion calamiteus­e de la première puissance du monde, par Bush-le-guerrier puis Obama-le-narcisse, deux politicien­s à la petite semaine partageant la même absence de vision. Donald Trump arrive à un moment où tout le monde, dans notre vieil Occident fatigué, commence à s’interroger sur son modèle démocratiq­ue. Politiquem­ent, tout y semble possible. N’importe quoi aussi.

Qu’un homme de tradition démocrate ait réussi avec tant d’aisance son OPA sur le Parti républicai­n est une arnaque qui permettra à Trump d’entrer dans les livres d’histoire. Pour la suite, s’il parvient à battre les Clinton, ces Thénardier modernes, il ne nous restera plus qu’à attacher nos ceintures !

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