Le grand imam d’Al-Azhar, l’institution la plus ancienne et la plus respectée de l’islam sunnite, nous a reçu au Caire. Il livre ses vérités sur l’Etat islamique.
Il entend combler l’absence d’autorité dans l’islam sunnite. A la tête de l’institution la plus prestigieuse du monde musulman, la millénaire université Al-Azhar, au Caire, le cheikh Ahmed al-Tayeb compte bien contester le monopole médiatique du diabolique Abou Bakr Al-Baghdadi. A l’inverse du « calife » de Daech, le grand imam de la mosquée Al-Azhar prône la réconciliation entre Orient et Occident. Maîtrisant la langue de Molière (il a étudié à la Sorbonne en 1973), ce diplômé en philosophie islamique, membre d’une grande famille soufie de Louxor, est aujourd’hui l’ambassadeur de « l’islam du juste milieu », savant mélange de tradition et de modernité.
C’est oublier que le cheikh de 70 ans a toujours péché par sa proximité, si ce n’est sa compromission, avec le pouvoir égyptien. Ancien membre du Parti national démocratique de Hosni Moubarak, il a été nommé en 2010 grand imam par le raïs. Et l’a soutenu jusqu’à sa chute, après la révolution du 25 janvier.
Désormais fervent partisan du président Sissi, dont il cautionne la répression tous azimuts, Ahmed alTayeb doit composer avec une institution conservatrice gangrenée par la radicalisation salafiste. Accusé par ses détracteurs de double discours, le grand imam possède sans conteste sa part d’ombre (voir p. 54). Devenu vitrine de Sissi à l’étranger, il entend malgré tout se poser en nouveau pape d’un monde sunnite ravagé par le chaos. Le cheikh al-Tayeb était le mois dernier au Vatican, au côté du pape François, pour une visite historique marquant la réconciliation entre l’islam et l’Eglise