Houellebecq en son palais
Sous le titre « Rester vivant », l’écrivain expose au palais de Tokyo, à Paris, ses photographies et ses films. Les images, les femmes, l’Europe, Nuit debout, Macron : confessions de l’artiste.
Après Houellebecq poète , romancier, chanteur, cinéaste, acteur, voici Houellebecq artiste total. Exposé comme tel, et pas n’importe où : au palais de Tokyo, antre bouillonnant de la création contemporaine dirigé par Jean de Loisy, spécialiste des magiciens du désordre, des apocalypses lumineuses, des renaissances aussi, puisque c’est à lui que nous devons d’avoir revécu notre passé de foetus dans la matrice caoutchouteuse d’Anish Kapoor, au Grand Palais, il y a déjà cinq ans. Houellebecq au musée : on devait s’y attendre. Dans « La carte et le territoire », il était beaucoup question d’art : Jeff Koons et Damien Hirst se partageaient le monde dans un tableau du héros artiste Jed Martin, qui trouvait les « soi-disant grands photographes (…) à peu près aussi créatifs qu’un Photomaton » . Le plasticien n’en finissait pas de s’élever dans le milieu arty tandis que le personnage d’écrivain, appelé Michel Houellebecq, était sauvagement assassiné. Six ans après, sorti des pages et revenu d’entre les morts, Michel a pris la place de Jed, tient le monde dans son viseur et entend bien « rester vivant » . Voilà le titre qu’il a choisi pour son exposition, des films, des installations sonores et des clichés de femmes nues et de feu son chien Clément, de cratères inondés, de jungles minérales, d’usines déglinguées et de dunes sans plagistes. Toute la géographie, toute la mythologie de l’écrivain, dont on a l’impression d’accéder à la boîte noire, au cahier d’inspiration, au cahier d’obsessions, tant ces images entament un dialogue intense, stimulant, avec sa littérature. De la photographie ? Non, plutôt une forme de poésie plastique rimant visuellement avec ses mots : « Et nous avons flotté loin de tous les possibles ; / La vie s’est refroidie, la vie nous a laissés, / Nous contemplons nos corps à demi effacés, / Dans le silence émergent quelques data sensibles. » Pourquoi « Rester vivant », titre d’un livre de 1991 ? Parce qu’il se sent, avoue-t-il, « terriblement vieux » . Le jour où on l’a vu, il avait même oublié, nous a-t-il dit, de prendre son dentier