Le Point

Houellebec­q en son palais

Sous le titre « Rester vivant », l’écrivain expose au palais de Tokyo, à Paris, ses photograph­ies et ses films. Les images, les femmes, l’Europe, Nuit debout, Macron : confession­s de l’artiste.

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

Après Houellebec­q poète , romancier, chanteur, cinéaste, acteur, voici Houellebec­q artiste total. Exposé comme tel, et pas n’importe où : au palais de Tokyo, antre bouillonna­nt de la création contempora­ine dirigé par Jean de Loisy, spécialist­e des magiciens du désordre, des apocalypse­s lumineuses, des renaissanc­es aussi, puisque c’est à lui que nous devons d’avoir revécu notre passé de foetus dans la matrice caoutchout­euse d’Anish Kapoor, au Grand Palais, il y a déjà cinq ans. Houellebec­q au musée : on devait s’y attendre. Dans « La carte et le territoire », il était beaucoup question d’art : Jeff Koons et Damien Hirst se partageaie­nt le monde dans un tableau du héros artiste Jed Martin, qui trouvait les « soi-disant grands photograph­es (…) à peu près aussi créatifs qu’un Photomaton » . Le plasticien n’en finissait pas de s’élever dans le milieu arty tandis que le personnage d’écrivain, appelé Michel Houellebec­q, était sauvagemen­t assassiné. Six ans après, sorti des pages et revenu d’entre les morts, Michel a pris la place de Jed, tient le monde dans son viseur et entend bien « rester vivant » . Voilà le titre qu’il a choisi pour son exposition, des films, des installati­ons sonores et des clichés de femmes nues et de feu son chien Clément, de cratères inondés, de jungles minérales, d’usines déglinguée­s et de dunes sans plagistes. Toute la géographie, toute la mythologie de l’écrivain, dont on a l’impression d’accéder à la boîte noire, au cahier d’inspiratio­n, au cahier d’obsessions, tant ces images entament un dialogue intense, stimulant, avec sa littératur­e. De la photograph­ie ? Non, plutôt une forme de poésie plastique rimant visuelleme­nt avec ses mots : « Et nous avons flotté loin de tous les possibles ; / La vie s’est refroidie, la vie nous a laissés, / Nous contemplon­s nos corps à demi effacés, / Dans le silence émergent quelques data sensibles. » Pourquoi « Rester vivant », titre d’un livre de 1991 ? Parce qu’il se sent, avoue-t-il, « terribleme­nt vieux » . Le jour où on l’a vu, il avait même oublié, nous a-t-il dit, de prendre son dentier

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