UN ROYAUME DE L’EXIL
Cinéma. Teddy (Raphaël Personnaz) est « chef de projet multimédia ». Lassé de sa vie d’Occidental « débarbarisé », il décide de se retirer dans le silence d’une cabane en rondins, seul, en Sibérie, pendant un an. Une nuit de blizzard où il s’est perdu, il est secouru par Alexeï, vieux loup soviétique en cavale depuis dix ans dans la forêt-cathédrale. « Rentre chez toi, lui répète-t-il, tu as tout là-bas. Ici, c’est un endroit pour se cacher et mourir, pas un endroit pour rêver. »
Cet homme des bois à la figure inoubliable (Evgueni Sidikhine), qui se lie d’amitié avec Teddy et se confie sur son passé criminel, Sylvain Tesson aurait sûrement adoré le rencontrer, quand il était vraiment dans sa cabane en 2010. Pas d’Alexeï durant ses six mois de « glissade à la Kerouac » sur le Baïkal, mais « Dans les forêts de Sibérie » , un livre fabuleux, lauréat du prix Médicis en 2011. Librement adapté du best-seller de Tesson, le film de Safy Nebbou raconte avec humilité, sur une bande-son magnifique d’Ibrahim Maalouf, ce voyage immobile, cette conversation poétique et métaphysique avec la nature. Et l’amitié entre les deux hommes, simple, belle, quoique un peu attendue.
Côté décor – la hutte, le lac gelé, le cosmos invincible (les paysages kesseliens), les ciels « ébouriffés d’air pur » … –, le pari était ambitieux. Mais, si la force du texte perd hélas en puissance à l’image, on aime se perdre dans ce film timide mais sincère, qui dit bien le besoin de ce « royaume de l’exil » que, dans nos sociétés affolées, nous avons tous au coin de l’âme
« Dans les forêts de Sibérie », en salles. Disponible en poche (Folio Gallimard, 7,70 €).