L’automobiliste, nouveau pestiféré
Au palmarès des personnages voués aux gémonies par l’esprit du temps, l’automobiliste arrive en bonne place. Il dépasse désormais le chasseur. On le traite comme un fléau auquel il faut sensibiliser la population. C’était le sens de la journée sans voitures, à Paris, dimanche 25 septembre. Il n’y a rien à sauver chez l’automobiliste : il pollue, se montre individualiste, refuse le vivre-ensemble… Et il a encore le toupet de fumer derrière ses vitres. Au cinéma, Chabrol a donné un visage à ce salaud : celui de Jean Yanne dans « Que la bête meure ». A contrario, le cycliste est paré de toutes les vertus. Il incarne le bien, la santé, l’écologie. On lui accorde le droit de prendre les rues à contre-sens et de passer au feu rouge. Pestiféré de notre époque, l’automobiliste multiplie pourtant des efforts pour devenir un meilleur citoyen. Il roule au sans-plomb ou à l’électrique. Il fait des économies pour s’offrir une voiture autonome. Il s’est mis au covoiturage et le voilà immédiatement soupçonné de vénalité. Malgré toute la haine qui se déverse sur lui, il ose encore se rendre chaque année au Mondial de l’automobile. Il y va à pied, car les rues lui sont désormais interdites. Ce pourrait être un dessin de Sempé épinglant l’absurde de notre ville contemporaine. Quand on y songe, il est incroyable qu’une telle manifestation puisse encore se tenir. C’est une invitation au vice et au crime. Que fait la police des moeurs ?