Revel l’insolent
Dix ans après sa mort, les éditions Allary publient un florilège de ce penseur libéral et anticonformiste, éditorialiste au « Point », qui éleva le journalisme d’idées au rang des beaux-arts. Hommage de Vargas Llosa et extraits.
C’est un plaisir de fin gourmet, amateur de nourritures de l’esprit un peu épicées. Les éditions Allary ont eu la savoureuse idée de rassembler un florilège des propos du philosophe et journaliste Jean-François Revel, disparu en 2006, assorti d’une préface de son ami Mario Vargas Llosa. Le choix est à l’image de ce brillant polémiste, dont les éditoriaux étaient appréciés des lecteurs du Point : éclectique et frondeur – on y parlera aussi bien de Proust ou de journalisme que de turf… Ses réflexions sur les dérives de la fonction présidentielle ou l’éducation restent d’une brûlante actualité. L’ironie et la défiance sont chez lui des armes civiques. Qu’il parle de politique ou d’art, il dézingue avec maestria, n’admet aucune admiration obligée, fût-elle pour Descartes. S’il est permis de ne pas partager ses vues quand il assassine (entre autres) Resnais, Aragon, Claudel ou les colonnes de Buren, on ne pourra que se délecter du brio avec lequel il signe ses condamnations. Comme il le dit luimême à propos de Cioran : « Il nous offre alors le plaisir le plus rare : goûter des idées sans être d’accord avec elles. » Tous les livres de Jean-François Revel étaient intéressants et leur lecture vous stimulait d’autant plus que, pour la plupart, il s’agissait d’ouvrages à caractère polémique. Il y avait chez lui un brio qui transparaît de manière étincelante dans son chef-d’oeuvre au titre énigmatique, « Le voleur dans la maison vide ».
En dehors des qualités habituelles chez Revel, ses Mémoires, confession souriante et désinvolte de petits péchés, de passions, d’ambitions et de frustrations, sont écrits sur un ton léger et parfois hilarant par un Marseillais que les tours et détours de la vie ont écarté de la carrière universitaire à laquelle il rêvait dans sa jeunesse pour devenir essayiste et journaliste.
Après une formation classique de haut niveau, il renonça vite à un destin universitaire tout tracé pour se consacrer à un genre que ses collègues de l’Université