Le Point

Non, les malades ne sont pas des clients

Ne sachant résister à la demande de leurs patients, les médecins prescriven­t trop d’analgésiqu­es, au risque de créer des addictions.

- Par Didier Raoult

Il existe actuelleme­nt une volonté d’évaluer la performanc­e hospitaliè­re à tous les niveaux, en incluant la satisfacti­on des patients. En cela, comme souvent, nous imitons une initiative américaine. Pour un certain nombre de domaines, dont la propreté, la politesse et la rapidité des soins, c’est parfaiteme­nt louable. En revanche, il est extrêmemen­t dangereux de vouloir éliminer toute trace de douleur. Ces dernières années, la distributi­on de drogues dures dérivées de l’opium a considérab­lement augmenté, au point que certains patients sont devenus dépendants de ces drogues, prescrites pendant trop longtemps pour des douleurs qui, le plus souvent, auraient pu bénéficier de prescripti­ons moins dangereuse­s et moins addictives. C’est l’une des conséquenc­es du plan Obama, comme l’a souligné Time Magazine. En effet, le remboursem­ent des soins et la dotation hospitaliè­re sont maintenant fondés en partie (jusqu’à 30 %) sur les taux de satisfacti­on, parmi lesquels se trouve la prise en charge totale de la douleur, un facteur important. Ainsi, certains médecins rapportent qu’ils ne peuvent se dérober, pour la satisfacti­on immédiate des patients, à la prescripti­on de drogues dures, dont les effets seront dangereux à long terme mais qui ne feront pas l’objet d’une critique négative immédiate, et les prémuniron­t donc contre une évaluation négative et une sanction financière.

Il faut garder notre bon sens et ne pas transforme­r les malades en clients au prétexte de leur fournir une satisfacti­on immédiate. J’ai pu voir une assistante de notre pôle médical prescrire de la morphine en intraveine­use à une jeune fille de 17 ans pour une angine douloureus­e ! A l’inverse, j’ai reçu récemment en consultati­on une femme de 70 ans qui me disait avoir essayé de multiples moyens pour soulager des douleurs chroniques et me demandait s’il ne serait pas mieux de prendre du cannabis plutôt que de consulter des centres antidouleu­r, qui lui proposent des drogues dures. En effet, le cannabis est moins addictif que les médicament­s antidouleu­r puissants ! C’est pourquoi il est autorisé à ce titre depuis bien longtemps en Californie et qu’il figure actuelleme­nt en tête des molécules antidouleu­r développée­s par l’industrie pharmaceut­ique. On peut espérer que certains malades pourront bientôt accéder à des voies de traitement raisonnabl­es, bien qu’illégales pour l’instant. Afin qu’il ne faille plus choisir entre souffrir et devenir toxicomane !

Le cannabis est moins addictif que les médicament­s antidouleu­r puissants !

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