Le Point

Aaron Miller : « Washington ne pourra pas mener une diplomatie héroïque »

Russie, Syrie, Israël, Chine… Spécialist­e du Moyen-Orient, Aaron Miller fait le point sur ce qui attend la diplomatie américaine.

- PROPOS RECUEILLIS PAR HÉLÈNE VISSIÈRE

Vice-président des Nouvelles Initiative­s au Woodrow Wilson Internatio­nal Center, un centre de réflexion établi à Washington, Aaron Miller a été conseiller dans plusieurs administra­tions républicai­nes et démocrates entre 1988 et 2003, notamment sur les questions du Moyen-Orient.

Le Point : Quelle va être la politique étrangère de Donald Trump? Aaron Miller :

Franchemen­t, ça ne vaut même pas la peine d’en parler. Je n’ai aucune idée de ce qui va sortir de sa boîte. Beaucoup de choses vont dépendre littéralem­ent de son comporteme­nt, qui est très difficile à prédire.

Obama porte-t-il une part de responsabi­lité ?

Je ne trouve pas que ce soit un bilan extraordin­aire. Mais ce n’est pas non plus un désastre, comme le clament certains. Les espoirs placés en cet homme, à l a f oi s s ur l e pl a n i nt é r i e ur e t internatio­nal, ont été excessifs. On attendait de ce président, qui a hérité de la pire crise économique depuis 1929 et des deux plus longues guerres de l’Histoire américaine, qu’il remette tout en ordre et imagine une nouvelle manière de promouvoir la politique étrangère américaine…

Or Barack Obama s’est retrouvé confronté à un Moyen-Orient embrasé et chaotique, aux islamistes, à un Vladimir Poutine déterminé à restaurer la place de la Russie sur l’échiquier mondial. Il ne lui a fallu qu’un an pour comprendre que le monde est implacable et que les options américaine­s, particuliè­rement en ce qui concerne les relations avec le Moyen-Orient et la Russie, étaient limitées. Il est devenu en fin de compte réfractair­e au risque. C’est cela, la marque de toute sa politique étrangère.

Mais Obama a aussi stimulé l’espoir avec ses discours où il parlait de changer le monde.

Certes ! L’administra­tion a constammen­t eu recours à une rhétorique qui excède ses capacités. Son discours du Caire, par exemple, allait bien au-delà de tout ce qu’il pouvait réaliser. Il a parlé d’un gel des colonies israélienn­es et se disait déterminé à obtenir un accord dans un temps relativeme­nt court. Cela s’est révélé impossible. Il a défini une ligne rouge à ne pas franchir en Syrie… A mon avis, la rhétorique n’est qu’une partie du problème. La question que tout analyste sérieux doit se poser est la suivante : dans quelle mesure l’état actuel de la politique étrangère relève-t-il de la responsabi­lité d’Obama ? N’est-ce pas plutôt le monde qui est devenu, entre 2008 et 2016, beaucoup moins sensible aux théories militaires et diplomatiq­ues américaine­s ? Personnell­ement, j’opte pour la seconde hypothèse.

Etant donné la nature des enjeux actuels, je pense que c’est un fantasme de croire qu’Obama ou le prochain président peut mener ce que j’appelle une diplomatie héroïque ou même faciliter l’émergence de solutions. Pas un seul problème – Poutine, l’Ukraine, l’Europe, l’Irak, Israël… – ne peut être résolu de façon simple. Le mieux qu’un président puisse faire, c’est essayer de peser sur les événements d’une manière favorable aux intérêts américains.

Mérite-t-il son prix Nobel de la paix ?

Il n’a pas cherché ni voulu ce prix. Les Eu r o p é e n s , q u i , i n v a r i a b l e ment , comprennen­t de travers notre politique étrangère (la France, en tant qu’ancienne

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