2 000 oeuvres volées par les nazis à des juifs attendent encore d’être restituées. L’Etat recherche enfin les héritiers.
Ce fut pour Isabelle un coup de téléphone irréel : une voix inconnue exhumait du passé des noms, des dates, posait des questions auxquelles elle s’entendit répondre sans hésitation. Oui, elle se souvenait de Jeanne, bien sûr, Jeanne Löwenstein, l’amie chérie de ses grandsparents Fisher, Jeanne qui chaque dimanche venait jouer au bridge avec son grand-père. Cela se passait à Nice, à la fin des années 1970, et lorsque Jeanne était là il y avait des rires et on parlait fort, souvent en allemand. « On la surnommait “Hansi”, je la considérais un peu comme une tante et je l’aimais beaucoup » , raconte-t-elle. A la mort de Jeanne, Isabelle avait 14 ans. Elle en a 47 aujourd’hui et vient d’apprendre à sa très grande surprise qu’elle va sans doute hériter de trois toiles signées du peintre Fédor Löwenstein, le frère aîné de Jeanne… Incroyable tour du destin que lui a expliqué au téléphone, au mois d’avril, un généalogiste mandaté par le ministère de la Culture pour retrouver les ayants droit du peintre. Jeanne, sans enfant, avait tout légué aux Fisher, Isabelle ne l’ignorait pas. Mais la vieille dame, issue d’une famille juive, est décédée avant que les tableaux spoliés à son frère aîné, qui lui revenaient de droit, ne soient redécouverts. Fédor est mort en 1946 et ses oeuvres, saisies par l’occupant sur le port de Bordeaux au moment où elles allaient traverser l’Atlantique pour être exposées à New York, n’ont été identifiées, parmi les oeuvres spoliées que l’Etat français a la charge de conserver, que soixante-dix ans plus tard.