Le Point

L’inquiétant Reda Kriket

Arrêté le 24 mars, ce djihadiste préparait, selon le procureur, un attentat de très grande ampleur.

- PAR MARC LEPLONGEON ET AZIZ ZEMOURI

Didier, un réserviste d’une petite trentaine d’années, a la mine soucieuse. Le militaire scrute la rue à gauche puis à droite. Décidément, rien d’anormal. Son coéquipier, pourtant, est formel. Il a bien entendu quelques minutes plus tôt trois cris, trois « Allah Akbar » lancés dans leur direction. Les deux hommes sont inquiets : ce 15 janvier 2016, ils sont en poste, dans le cadre de l’opération Sentinelle, devant la synagogue d’une grande ville sensible de la région parisienne. En fin d’après-midi, leurs craintes se font encore plus fortes. Les militaires apprennent qu’un drapeau de l’Etat islamique a été retrouvé dans un appartemen­t à proximité immédiate de la synagogue. Entendu par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), Didier raconte : « Dès lors, notre vigilance s’est accrue. […] Vers 18 h 15, un individu mesurant 1,70-1,75 mètre, âgé d’environ 35 ou 40 ans, de type maghrébin, porteur d’un bouc, les cheveux brun foncé collés avec du gel, s’est mis sur le pas de la porte de l’immeuble et nous a regardés durant cinq minutes environ. Il s’est concentré en nous regardant. Il avait un regard perçant. Il n’a pas parlé. » L’incident aurait été vite oublié si Didier n’était pas tombé quelques jours plus tard sur la fiche de diffusion urgente d’un certain Reda Kriket, 34 ans, recherché pour ses liens avec les milieux islamistes. Pour le militaire, il s’agit du même homme : « J’en suis certain à 70 % », confie-t-il.

Dix mois après, les enquêteurs ne sont pas parvenus à démontrer la véracité de ce témoignage. Mais, selon le procureur de la République de Paris, François Molins, un attentat de très grande ampleur a probableme­nt été déjoué, sans que l’on connaisse toutefois la cible exacte. Le 24 mars 2016 à 13 heures, après plusieurs semaines de traque et de filature, Reda Kriket a été interpellé. A l’intérieur de l’appartemen­t qu’il louait à Argenteuil, un véritable arsenal de guerre : du TATP, des bouteilles d’eau oxygénée, un détonateur et des armes de poing. Surtout, les agents de la DGSI saisissent avec effroi cinq kalachniko­vs et cinq faux passeports. Après les attentats de Paris et de Bruxelles, un nouveau commando s’apprêtait-il à tuer ? Devait-il passer à l’action en plein Euro 2016 de football, comme l’a sous-entendu Manuel Valls cet été ?

Entendu en garde à vue, Reda Kriket livre des explicatio­ns confuses. C’est, selon lui, un certain Abou Badr, un homme âgé d’une cinquantai­ne d’années, qui aurait apporté le matériel dans l’appartemen­t et lui aurait donné de quoi payer le loyer pendant un an. Kriket assure que les armes ne visaient qu’à commettre des vols : « Je suis pas arrivé à ce niveau-là de faire des attentats, je suis pas arrivé à ce niveau-là dans ma vie », soupire-t-il, troublé.

Les enquêteurs ont du mal à cerner leur suspect, qui pique du nez

Il était recherché par la justice belge, qui l’avait condamné à dix ans de prison pour son implicatio­n dans le réseau Zerkani, une des plus grosses filières djihadiste­s d’Europe.

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Arsenal. Une partie des armes découverte­s dans l’appartemen­t que louait Reda Kriket à Argenteuil.

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