Sidse Babett Knudsen, de « Borgen » au Mediator
Après son succès en Premier ministre, l’actrice danoise se glisse dans la peau d’Irène Frachon. Rencontre avec une drôle de femme à poigne.
«O h zut, la pluie vient de s’arrêter… J’avais pourtant commandé une ambiance 100 % bretonne ! » Point de chignon bas, point de tailleur strict. L’héroïne de la série danoise à succès « Borgen » a troqué son air préoccupé et son look sérieux de Premier ministre contre un pantalon en cuir et des talons hauts, assortis d’un humour bien à elle, auquel – il faut l’avouer – on ne s’attendait pas. « A Brest, dès qu’il y a une éclaircie, on s’installe dehors. » C’est donc entre deux averses, et en terrasse malgré la fraîcheur automnale, que l’on rencontre Sidse Babett Knudsen (prononcez « Sissé »), de passage à Paris. Un clin d’oeil à Irène Frachon, la lanceuse d’alerte qui mène depuis 2007 une lutte sans faille contre le Mediator, qu’elle incarne dans « La fille de Brest », d’Emmanuelle Bercot. Une Danoise pour camper la Bretonne ? C’est à Catherine Deneuve que l’on doit cette folle et belle idée. Alors que Bercot peine à trouver son actrice, Deneuve suggère l’héroïne de sa série fétiche du moment, « Borgen ». « Au début, je n’ai pas bien compris pourquoi Emmanuelle ne choisissait pas une Française. Puis j’ai réalisé ce qu’elle cherchait : la détermination de Birgitte Nyborg [le Premier ministre qu’elle incarne dans la série, NDLR], une certaine énergie, cette idée de mission. » Du scandale du Mediator, ce médicament commercialisé par les laboratoires Servier entre 1976 et 2009 qui serait à l’origine de milliers de morts, Sidse ignore tout. D’ailleurs, l’univers médical, le milieu hospi t al i e r e t l ’ i ndustrie pharmaceutique lui sont parfaitement étrangers. « Je pense que cela m’a permis d’approcher la fraîcheur et la spontanéité d’Irène Frachon. » Bien sûr, elle a rencontré la désormais célèbre pneumologue. Mais, paradoxalement, c’est passer du temps avec sa famille qui lui donne le déclic. « Cette petite maison nichée au bord de l’eau, ces enfants qui jouent spontanément de la musique tous ensemble, ce mari qui cuisine pour tout le monde, cette écoute extraordinaire… A ce moment-là, j’ai compris d’où venait la force d’Irène. » Ainsi donc, la petite famille Frachon aux allures de conte de fées présentée dans le film n’est en rien exagérée ? « Moi-même, je n’en revenais pas ! Quels ados proposent de vous jouer un morceau lorsque vous arrivez chez eux ? Je n’avais jamais vu ça. » Pour tenter de dompter son joli accent danois, Sidse a pris des cours de français. « J’avais un coach qui me faisait bosser tous les jours après mes scènes. J’ai eu quelques grosses migraines, mais s’entendre progresser, ça n’a pas de prix. Je m’étais fixé comme seule contrainte sur le tournage de tout faire en français. Parler français, manger français, boire français. Il y a pire, non ? » Avec son frère et ses parents – un père photographe et une mère éducatrice –, Sidse Babett Knudsen a vécu en Tanzanie avant de s’établir à Copenhague, où une école privée lui donne le goût de la musique, des langues et surtout du théâtre. La comédie est une évidence. Sa mère insiste pour qu’elle ait un plan B, mais un ami l’en dissuade : « Si tu t’assures un filet de protection, tu peux être sûre de tomber dedans », assène-t-il. Alors, à 18 ans, la jeune Danoise s’installe à Paris avec son vélo. Et les six mois prévus se transforment… en six ans ! Elle passe une audition pour étudier au Théâtre de l’Ombre, aujourd’hui disparu. « Comme je ne comprenais rien, j’ai appris le texte phonétiquement. Et compensé avec une gestuelle très exagérée qui m’a valu le joli surnom de “Viking”. La troupe m’a acceptée sans savoir que je ne parlais pas le français. » Elle l’apprendra en allant, jour après jour, à Beaubourg, lire « La métamorphose », de Kafka. Sidse peine à cacher sa joie de retrouver