Matzneff, un bon petit diable !
« Un diable dans le bénitier » (Stock), c’est un peu le monde selon Gabriel Matzneff : une ode aux plaisirs de la vie et un dézingage de l’angélisme à travers une sélection des chroniques publiées par l’écrivain.
Que s’est-il réellement passé au cours des trois dernières années ? Pour scruter l’actualité, l’écrivain Gabriel Matzneff (« Nous n’irons plus au Luxembourg », « Ivre du vin perdu ») a suivi le conseil de son maître Lucrèce : « Eadem sunt omnia semper » (« Les choses sont toujours les mêmes »). Parues sur le site du Point, dans des journaux et des revues, ses meilleures chroniques sont réunies dans « Un diable dans le bénitier » (Stock). Oubliez tout ce que vous avez lu sur François Hollande, l’Etat islamique, la réforme de l’éducation nationale, Vladimir Poutine, la diététique… Avec Matzneff, ça décoiffe ! On est d’accord ou pas. Mais ce bretteur hors pair fustige son époque dans un français clair et limpide. Le mousquetaire des lettres françaises aime toujours autant les duels. « Un diable dans le bénitier » devrait être étudié dans toutes les bonnes écoles de journalisme ! de Gabriel Matzneff (Stock, 392 p., 20,50 €). A paraître le 18 janvier. Jeûne et ripaille S’il est une qualité que même ceux qui me jugent avec sévérité ne songent pas à me refuser, c’est d’être une bonne fourchette et d’avoir une bonne descente. Philippe de Saint Robert dit volontiers de moi : « Gabriel ? Mieux vaut l’avoir en portrait qu’en pension », et un autre ami, hélas disparu, Roger Vrigny, chaque fois que nous dînions avec des copains, s’exclamait de façon quasi rituelle : « Comment ? La bouteille est déjà vide ? Ah oui, c’est vrai, avec Gabriel, ça coule ! »
Aimer le bon vin, la bonne chère est une passion qui n’est nullement antinomique avec le souci de sa santé, de sa sveltesse. On peut être un gourmet, un bon vivant, et veiller à peser dans l’âge mûr le même poids qu’à 18 ans, continuer à boutonner sans difficulté ses vieux pantalons, le col de ses vieilles chemises, bref, faire le désespoir de notre tailleur qui aimerait nous voir contraints de renouveler notre garderobe tous les dix ans.
Cela suppose de la lucidité et de la détermination.
Je possède l’une et l’autre et n’ai à cela aucun mérite. Ce fut, à l’âge de la robe prétexte, Horace qui m’initia aux joies sans cesse renouvelées de la diététique ; puis, lorsque j’eus 15 ans, Byron acheva de m’en dévoiler les arcanes. D’une certaine façon, Gayelord Hauser et les autres maîtres contemporains que je nomme ci-devant ne m’ont rien appris que les Anciens ne m’eussent déjà enseigné. Le tout se resserrant dans ces deux phrases que j’ai souvent citées, que j’ai plaisir à citer à nouveau. La première est d’Héraclite : « Il y a un dieu dans la cuisine. » La seconde est de Sénèque : « C’est une grande part de liberté qu’un ventre bien réglé. » Ces deux formules se complètent, et le Christ, qui adorait partager un bon repas avec des amis mais était aussi capable de jeûner au désert, aurait pu les signer. Avril 2014.
Eloge de Mai 68 Mai 68 eut ses sectaires débiles mentaux (le « Richelieu » de Philippe de Champaigne vandalisé, Paul Ricoeur agressé, coiffé d’une poubelle, le père Virgil Gheorghiu empêché de parler aux cris de « Crève, martyr ! », insulté par des étudiants qui lui arrachèrent sa croix pectorale et la piétinèrent), mais il eut aussi ses esprits libres, et c’est de liberté spirituelle que, en ces temps de décervelage, la France a besoin. Cher Guy Hocquenghem, comme tu nous manques ! Comme ta lucidité, ton insolence nous seraient précieuses !
Ahuris d’informations, de moins en moins capables de pensée personnelle, pétrifiés par la trouille (du terrorisme, du réchauffement de la planète, de perdre leurs « avantages acquis », de Gilles de Rais, de l’invasion des barbares, de Dieu sait quoi), mes chers compatriotes, encroûtés dans une morale de pasteurs amerloques, sont devenus extraordinairement vertueux. Qu’ils soient de gauche ou de droite, quelles que soient leurs divergences, ils font bloc pour flétrir avec des trémolos dans la voix l’esprit de jouissance ; exalter le
« Cher calife, la France que vous combattez, la France aristocratique, désinvolte et libertine, est morte assassinée. »