Le Point

Les fantômes de Beslan

Russie. Douze ans après l’effroyable prise d’otages, la ville reste hantée par ses 334 morts.

- DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL MARC NEXON

Elle est vêtue de noir et s’avance vers un bâtiment protégé par un sarcophage doré. Tout près, dans une ruelle, des gamins font tomber des noix en lançant des bâtons à travers le feuillage des arbres. Des rires fusent. Nadejda Gurieva, 56 ans, pénètre dans l’enceinte. Les murs d’un ancien gymnase apparaisse­nt, avec deux panneaux de basket suspendus de part et d’autre. Du toit il ne reste qu’une structure métallique calcinée. Les radiateurs ont fondu, et des traces de suie balafrent une peinture grise qui se détache par plaques. Au fond, toujours debout, une échelle d’exercice noircie par le feu.

Nadejda fixe le plancher, comme à chacune de ses visites, puis se dirige vers le centre de la salle. « Nous étions là » , dit-elle. Elle scrute les lattes de bois : « Pendant longtemps j’ai vu l’empreinte de la robe de ma fille, mais elle a disparu avec le passage des gens. » Le sol est intact. Les lignes du terrain de basket s’y dessinent encore. « Les corps brûlés des enfants l’ont préservé » , ajoute-t-elle. Nadejda se tient maintenant devant les photos de sa fille et de son fils, accrochées au mur parmi celles des autres victimes. Elle pose la main sur leur visage. Elle raconte les trois jours passés à leur côté lors de la plus terrible attaque terroriste survenue en Russie. Une prise d’otages menée à l’école n°1 de Beslan, en Ossétie du Nord, un jour de rentrée des classes.

C’était le 1er septembre 2004. Un jour festif, comme dans tous les établissem­ents scolaires du pays. Ce matin-là, les élèves, les

parents et les professeur­s sont rassemblés dans la cour au milieu des rubans, des bouquets de fleurs et des boîtes de chocolats. La fillette la plus jeune, juchée sur les épaules d’un collégien, s’apprête à faire carillonne­r la cloche. Elle n’en aura pas le temps. Trente-deux terroriste­s surgissent à bord de deux camions. C’est le début de l’horreur. Ils entassent les 1 100 personnes présentes dans un gymnase surchauffé. Ils y posent des bombes reliées à un câble qui court entre les deux paniers de basket. Leur revendicat­ion ? L’indépendan­ce de la Tchétchéni­e voisine. De longues heures s’écoulent, ils

prient et s’aspergent d’eau devant des écoliers mourant de soif et contraints de boire leur urine. Cinquante-deux heures plus tard, une explosion retentit, puis une seconde. L’assaut débute. La confusion est totale. Les échanges de tirs durent trois heures ; 334 personnes périssent, parmi lesquelles 186 enfants.

Ce jour-là, Nadejda, professeur­e d’Histoire depuis vingt-six ans, se retrouve piégée avec ses deux filles Irina et Vera et son fils Boris, respective­ment âgés de 8, 11 et 14 ans. « Vera a succombé à la seconde explosion, dit-elle. Elle souriait, mais il y avait deux larmes de sang sur son visage et son corps était devenu bleu. » A cet instant Boris respire encore. Les détonation­s redoublent. Les terroriste­s poussent les otages vers la cantine. Nadejda tente de soulever son fils, mais n’y parvient pas. « Aidez-moi ! » hurle-t-elle. « Tu reviendras le chercher quand on arrêtera de tirer ! » lance un ravisseur. « Maman, ne pars pas ! » supplie Irina. Nadejda se résout à laisser son fils et fuit avec Irina. Elle récupérera le corps de Boris en partie carbonisé. « Quand j’ai vu son visage calme je me suis dit qu’il n’était pas mort brûlé vif. »

Lance-flammes. Nadejda achève son récit. Elle ressort de l’école. Dehors les enfants ont les mains noires à force de casser les noix. Elle croise une femme qui la salue. « Avant, elle m’ignorait » , chuchote-t-elle. Douze ans après la tragédie, Beslan charrie encore ses tabous. Car des haines ont éclaté et couvent encore. « Quittez la ville ou on vous explose ! » ont lancé des parents aux enseignant­s accusés de n’avoir rien fait pour éviter l’attaque. Parmi les mères ellesmêmes, les dissension­s demeurent. Il y a les résignées et celles qui exigent une enquête sur l’assaut chaotique ordonné par le Kremlin. Un carnage dû à une absence totale de coordinati­on. Policiers de la route, conscrits de l’armée, habitants équipés de fusils, membres des forces spéciales… Des dizaines d’hommes soumis à des consignes contradict­oires ont afflué. Et déclenché un déluge de feu au mépris des négociatio­ns en cours. Le tout à grand renfort de grenades, de mitrailleu­ses et de lanceflamm­es. Deux tanks T72 sont même entrés en action. La suite ? Une investigat­ion bâclée et des responsabl­es du raid promus. Reçues en 2005 par Vladimir Poutine, les mères de Beslan ont bien tenté de pointer les défaillanc­es. « Ce n’est pas ce que me disent mes rapports » , leur a répondu le président.

Depuis, les mères subissent toutes sortes d’humiliatio­ns. C’était encore le cas le 1er septembre dernier, lors de l’hommage rendu aux victimes. Ce jour-là, cinq d’entre elles arborent un teeshirt avec une inscriptio­n : « Poutine, bourreau » . Les caméras se détournent et les agents du FSB (ex-KGB) embarquent les importunes. Têtes cognées, bras tordus, robes déchirées… Elles sont interrogée­s durant six heures et passent au tribunal à 4 heures du matin. Sentence : 20 000 roubles (280 euros) ou 20 heures de travail obligatoir­e. Le juge estime avoir fait preuve de bienveilla­nce. « On m’avait demandé de vous infliger dix jours de prison » , leur dit-il.

Les cinq condamnées se retrouvent cet après-midi dans la maison d’Emma Betrozova, dont le mari et les deux fils ont été tués lors de la prise d’otages. « Ils nous surveillen­t depuis la guérite de la station-service » , dit-elle au sujet des services de renseignem­ent tout en fermant à clé son salon. La conversati­on roule sur la brutalité des policiers. « J’ai eu l’impression de revivre le moment où les terroriste­s nous ont barricadée­s dans le gymnase. J’en ai vomi » , raconte Svetlana Margieva, une rescapée, habitée par le souvenir de sa fille de 13 ans morte dans ses bras. Puis elles évoquent leurs futures peines. « Je vais choisir les 20 heures car je gagne seulement 6 000 roubles par mois au standard de mon centre médical » , dit Zhanna Tsirikhova, elle aussi ancienne otage et dont la fille de 8 ans a péri. « Moi non plus je n’ai pas d’argent, je vais devoir balayer les rues » , ajoute Svetlana.

Dans le quartier de l’école, les riverains eux aussi fustigent les autorités. Il est 20 heures. Assis sous un rameau de vigne, Elbrous et cinq amis avalent des oeufs et de la viande fumée déposés sur du papier journal. Ils se versent un cognac maison stocké dans une bonbonne de 5 litres. S’ils voulaient oublier, ils ne le pourraient pas. Ils ont vue sur le gymnase éclairé toute la nuit par des projecteur­s. « Ici, il y a cent familles et vingt-huit cercueils d’enfants », dit Elbrous en montrant sa barre d’immeubles de cinq étages. Il se ressert un verre. « Faut pas croire qu’on boit tous les soirs… » Les indemnités après l’attentat ? « On a touché des aides de l’étranger, mais rien de la Russie » , poursuit-il en levant un doigt. Les appartemen­ts promis par Moscou ? « Certains les ont reçus, d’autres non. »

Invalides. Vladimir Tomaïev, 57 ans, ancien plombier, en sait quelque chose. L’homme sanglote dans son mouchoir bleu. Il a perdu sa femme et sa fille âgée de 10 ans dans la catastroph­e. Il a d’abord enterré une enfant qui n’était pas la sienne. « A la morgue, ils étaient tout noirs, dit-il. C’était celle de Goubetssov. J’ai reconnu la mienne trois mois plus tard grâce à son plombage. C’est moi qui l’emmenais chez le dentiste. » Depuis, il a refait sa vie et souhaite déménager. « Trois cercueils ont défilé chez moi. C’est trop dur. » Or il attend toujours le 70-mètres carrés auquel il a droit. Raison ? Il refuse de graisser la patte des fonctionna­ires locaux. « Quand je vais les voir, ils me disent que mon argent n’est pas arrivé… Ils me demandent 150 000 roubles [2 110 euros]. »

Devenir propriétai­re d’un appartemen­t ne suffit pas, encore faut-il pouvoir l’occuper. C’est à Vladikavka­z, à 25 kilomètres de Beslan, que les autorités construise­nt les logements réservés aux victimes. « Voilà ce qu’on livre ! » annonce fièrement le chef de chantier Timour en faisant visiter l’un d’eux. Le résultat : quatre murs bétonnés et un sol en ciment. « Pour l’équiper, il faut compter 1 million de roubles » , reconnaît l’homme du BTP… Soit la moitié du prix du bien. A la mairie de Beslan, on admet des retards dans le programme. Mais « le gouverneme­nt central a envoyé l’argent » , assure le chef du district, Souslan Fraïev. Un député local nuance : « Bon, une partie a sans doute été affectée à d’autres postes. »

L’absence d’aides pénalise une autre catégorie : les invalides. Fatima Dzgoeva avait 10 ans lorsqu’elle a reçu un éclat d’obus qui lui a traversé le crâne. Douze ans plus tard, elle a toujours un corps d’enfant. Elle marche et s’exprime difficilem­ent. « L’eau augmente dans son cerveau » , dit sa tante Lana. « L’administra­tion nous offre parfois des soins, mais elle aimerait bien se débarrasse­r de nous » , poursuit-elle. Grâce à des donations et des concerts, la famille est finalement parvenue à collecter les 17 000 euros nécessaire­s à sa prochaine opération. Fatima s’envole bientôt pour Berlin. Et reviendra dans trois semaines.

Car ici rares sont ceux qui songent à quitter Beslan. « Pour aller où ? interroge Zara, une ex-otage, occupée à balayer les feuilles d’automne sous les marronnier­s. Regardez, c’est un petit paradis. » Même les jeunes ne s’éloignent jamais longtemps. Alan Kastouïev, 21 ans, poursuit ses études de dentiste à Saint-Pétersbour­g, mais il prévoit de revenir et de s’installer à quinze minutes de l’école. Pourtant, il pense au drame tous les jours. Il revoit sa mère autoriser sa jeune soeur à se rapprocher d’une fenêtre pour échapper à la chaleur accablante de la salle. « Elle était près d’une bombe, c’est pour ça qu’elle est morte. » Il garde aussi en mémoire le visage du terroriste qui lui a logé une balle dans le poumon alors qu’il s’enfuyait. « Aucune émotion dans ses yeux » , se souvient-il.

Aneta Gadieva, elle, aurait voulu partir loin. Lors d’un voyage de repos en Grande-Bretagne offert par une amie, elle a même hésité à déchirer son billet de retour. Elle est revenue pour sa fille assassinée… Celle qu’elle a laissée dans la salle. Car Aneta, ancienne professeur­e d’université, vit hantée par le choix qu’elle dû faire. Le 1er septembre, elle figure parmi les captifs avec ses deux filles, Alana, 9 ans, et Milena, 1 an. Or le deuxième jour un négociateu­r se présente et les terroriste­s consentent à libérer les femmes allaitant un bébé. Aneta avance avec ses deux filles. « J’ai dit un enfant par mère ! » crie un homme. Elle hésite et glisse à l’oreille de l’aînée : « Retourne auprès de ta copine, tout va bien se passer. » Aneta sort avec Milena et apprend que sa voisine a pu rester dans le gymnase tout en confiant son bébé. « J’étais bouleversé­e et j’ai demandé à y retourner » , raconte-telle. Les militaires ont refusé. « Chaque vie compte », m’ont-ils dit.

Aneta éprouve aussi de la culpabilit­é à l’égard de sa plus jeune fille. « Récemment, je l’ai embrassée après un bon résultat scolaire et elle m’a dit : “Maman, tu ne t’es jamais comportée comme ça”. » Partir, elle le voulait, mais il y a le cimetière. Elle s’y rend chaque semaine comme beaucoup d’autres. Là-bas, à la sortie de la ville, se dressent 266 tombes en

« Elle souriait, mais il y avait deux larmes de sang sur son visage. » Nadejda Gurieva

marbre rose, toutes identiques. Un homme y veille. Il s’appelle Kaspolat Ramonov, 49 ans. Lui aussi a perdu une fille et, depuis, il ne quitte plus le lieu. Il en est devenu le gardien. « Ici, c’est la cité des anges, dit-il à voix basse. Ce sont tous mes enfants. Je connais leur âge, leurs jeux et ce qu’ils aimaient manger. » De l’autre côté de la route, il a installé des cages dans lesquelles se languissen­t deux ours et deux loups crasseux. « Ce cimetière dégage une énergie positive » , dit-il. A cet instant, une femme s’évanouit au pied d’une tombe. Pas de quoi émouvoir Kaspolat, qui se dirige vers sa tondeuse à gazon.

« J’ai eu l’impression de revivre le moment où les terroriste­s nous ont barricadée­s dans le gymnase. J’en ai vomi. » Svetlana Margieva, arrêtée par le FSB

« J’ai sauté ». Ailleurs, d’autres tentent de se reconstrui­re. Deux mois après la mort de sa fille, Gargieva Kastieva a adopté un bébé. Une petite d’un tempéramen­t espiègle. Tout le contraire de la première. « Elle m’a sauvée », dit la mère. Aslan Kudzaïev, lui, s’immerge dans le travail. Agé de 45 ans, il a racheté plusieurs entreprise­s dont une fabrique de brouettes. Parfois, il se rend à l’école et s’assoit devant une façade. Il regarde la fenêtre du premier étage, à travers laquelle on distingue un portrait du poète Vladimir Maïakovski, toujours accroché au mur. Il repense à ce qu’il a accompli et se dit qu’il n’en serait plus capable. Ce jour de septembre 2004, il accompagne sa femme, ses deux filles et sa belle-mère. Il est aussitôt mis à l’écart avec les autres hommes par les preneurs d’otages. Il reste dans un couloir, les mains derrière la tête, pendant quatre heures. Il voit ses collègues monter les uns après les autres dans la classe de littératur­e. Il entend des coups de feu, puis plus rien. « J’ai imaginé mes funéraille­s », raconte Aslan. C’est maintenant son tour et celui de son voisin. Ils prennent l’escalier. Sur place, un homme armé d’une kalachniko­v leur ordonne de jeter les cadavres par la fenêtre. « J’en ai pris cinq ou six et j’ai entendu le type recharger son arme. J’ai murmuré à l’autre : “On y va.” Il m’a répondu : “Comment ?” Et j’ai sauté. » Aslan se tord la cheville, mais parvient à fuir sous les balles. Sa famille en réchappera, à l’exception de sa belle-mère, qui protégera l’une des filles lors des premières explosions. Celui qui n’a pas sauté avec lui figure sur la liste des victimes.

Nadejda, la prof d’Histoire retenue en otage avec ses trois enfants, est à présent chez elle. Elle occupe un appartemen­t à l’entrée duquel s’entrechoqu­ent des petits anges en cristal. Elle enseigne toujours à l’école de Beslan, reconstrui­te de l’autre côté du chemin de fer. « Je ne réprimande plus mes élèves en retard, sourit-elle, car à l’époque l’un d’eux a eu la vie sauve parce qu’il cherchait ses chaussette­s rouges. La prise d’otages avait déjà commencé. » Il y a trois ans, elle a perdu son mari, un ancien policier, qui s’est noyé dans l’alcool. « C’était sa façon de se suicider » , dit-elle. Quant à elle, son salut s’appelle Irina, sa fille avec laquelle elle a survécu. « Je ne voulais pas pleurer et elle me disait : “Maman, tu dois pleurer”. » Elle l’appelle sur Skype. Irina apparaît sur l’écran depuis Moscou, où elle suit des études d’orthophoni­ste. Elle a 20 ans. « Je veux un métier pour pouvoir aider les gens » , explique-t-elle. Elle souhaite aussi avoir des enfants. « Fais-moi quatre petits ! » lance Nadejda. « Pas avant cinq ans » , répond sa fille. Elle évoque enfin ce jour de 2004 : « Quand je passe devant un chantier et que je sens l’odeur des métaux, à ce moment-là tout revient… »

 ??  ?? Brisée. Professeur­e d’Histoire, Nadejda Gurieva était dans l’école avec ses trois enfants. Vera, 11 ans, et Boris, 14 ans, ont péri dans l’assaut.
Brisée. Professeur­e d’Histoire, Nadejda Gurieva était dans l’école avec ses trois enfants. Vera, 11 ans, et Boris, 14 ans, ont péri dans l’assaut.
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 ??  ?? Traumatism­e. Moment de recueillem­ent dans le gymnase devenu mémorial, le 1er septembre 2016, douze ans après la tragédie.
Traumatism­e. Moment de recueillem­ent dans le gymnase devenu mémorial, le 1er septembre 2016, douze ans après la tragédie.
 ??  ?? La « cité des anges ». C’est ainsi que Kaspolat Ramonov, le gardien des lieux, désigne la partie du cimetière de Beslan où sont érigées 266 tombes en marbre rose, toutes identiques. Le 3 septembre 2004 (ci-dessous), après deux jours et demi de prise...
La « cité des anges ». C’est ainsi que Kaspolat Ramonov, le gardien des lieux, désigne la partie du cimetière de Beslan où sont érigées 266 tombes en marbre rose, toutes identiques. Le 3 septembre 2004 (ci-dessous), après deux jours et demi de prise...
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 ??  ?? « Poutine, bourreau ». Le 1er septembre 2016, ces mères de victimes ont arboré un tee-shirt accusant Poutine. Arrêtées, violentées, elles ont été condamnées : lourde amende ou travail obligatoir­e. Début novembre, la Cour suprême a allégé leur sanction.
« Poutine, bourreau ». Le 1er septembre 2016, ces mères de victimes ont arboré un tee-shirt accusant Poutine. Arrêtées, violentées, elles ont été condamnées : lourde amende ou travail obligatoir­e. Début novembre, la Cour suprême a allégé leur sanction.
 ??  ?? Ressentime­nt. Le 4 septembre 2004, le président russe se rend au chevet des victimes, au lendemain d’un assaut critiqué qui a viré au carnage.
Ressentime­nt. Le 4 septembre 2004, le président russe se rend au chevet des victimes, au lendemain d’un assaut critiqué qui a viré au carnage.

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