Trump restaure le califat
Par son décret de bannissement, le président américain rend service aux islamistes, à leur cartographie du monde, à leur vision d’« oumma » qui déclasse les nations et les frontières.
Tout a été dit sur Trump ? Non, le sujet est inépuisable pour longtemps. Voici un aspect : Trump cartographe. L’homme réinvente en effet la géographie confessionnelle. Les pays bannis sont désormais la carte des pays « musulmans ». C’est-à-dire une géographie tracée par une confession. Cela déclasse le tracé de territoire « national » (effet des décolonisations) au bénéfice du territoire « religieux ». Les Etats-nations sont effacés derrière le tracé de l’« oumma ». Daech et les islamistes ne pouvaient pas trouver meilleur allié pour réinventer le croyant, le musulman comme seul référent pour leurs sympathisants ou leurs conquis. L’internationale islamiste, partout dans le monde musulman ou le monde dit arabe, a toujours défendu l’idée de l’oumma en lieu et place de l’idée de nation. Les islamistes ne saluent presque jamais le drapeau de leur pays, ne se lèvent pas pour l’hymne et accueillent avec grimace cette idée « impie » de nation. Seuls existent la religion, le tracé de ses croyants et la frontière avec les incroyants. Cela se traduit par ce concept transcendant des peuples : l’oumma. Supernation religieuse, raciale discrètement. Aux premiers jours de sa conquête par l’horreur, Daech a tracé une carte de la région avec des frontières et des noms qui remontent aux XIe et XIIe siècles. La terre est une histoire à restaurer. Une lente entreprise de sape de l’idée de nation ou de citoyen est en marche dans le monde dit arabe depuis un siècle. Réaction aux débâcles des nationalismes devenus régimes prédateurs ou au patriotisme devenu idolâtrie aux yeux des islamistes et arnaques aux yeux des jeunesses désillusionnées.
Ce travail de destruction de citoyenneté est délégué, par les régimes durs, chez nous aux islamistes : le citoyen est, on le sait, gréviste et récalcitrant, demandeur de comptes et de liberté ; le croyant est, lui, soumis, décalé, attentif au paradis, pas à la cité terrestre, il ne demande pas des comptes mais des mosquées. Le partage des espaces est défini : au régime la rente, à l’islamiste l’espace public. Aujourd’hui, c’est Trump qui y ajoute sa dose « internationale ». Ainsi, par son décret de bannissement, il donne de l’argument aux islamistes, à leur cartographie du monde, à leur vision d’oumma qui déclasse les nations et les frontières. C’est le retour du territoire, l’accréditation de la vision « eux/nous », la légalisation de la différence confessionnelle comme seul critère réel, le traçage de la géographie des dieux. Le musulman est une croyance, pas une citoyenneté : cette affirmation emporte le projet de société, le projet de citoyenneté, de nation, d’avenir. Il ne reste de nous que la religion et c’est ce que veulent les islamistes depuis toujours. Trump accélère l’avènement du califat dans le monde dit arabe : le contre-musulman appelle le calife, qui appelle au retour du djihad, qui est là pour contrer la croisade et restaurer la vieille vision djihadiste du Moyen Age : « la maison de l’obéissance, la maison de guerre, la maison des impies ». Le président américain vient de rendre le plus grand service aux cartographes islamistes. Dans les médias islamistes, la protestation impressionnante du monde contre le bannissement, le soutien, les images émouvantes et les appels à la solidarité n’ont pas été repris. OEuvrant à l’irruption de la haine et de la différence, l’islamosphère autant que les journaux conservateurs dans le Sud ont préféré donner de la voix face à la décision de Trump plutôt qu’à la réaction des gens dans les rues et les aéroports. Ainsi, la grande muraille devient plus haute et on consacre l’idée d’un Occident qui nous vomit et d’un califat qui lentement se met en place pour nous accueillir avec compassion. Occupé par la culpabilité ou les plaidoyers, l’Occident n’a pas vu, perçu, senti l’immense onde de jouissance qui a parcouru l’islamistan à l’annonce du bannissement
Les pays « musulmans » bannis, il ne reste de nous que la religion. C’est ce que veulent les islamistes depuis toujours.