Le Point

Kamel Daoud, l’intell ectuel qui dérange

Les prises de position de l’écrivain algérien sur l’islamisme et les dictatures arabes ont un retentisse­ment mondial. Interview et extraits de son nouveau livre, « Mes indépendan­ces » (Actes Sud).

- SÉBASTIEN LE FOL

«Jesuis l’espace de beaucoup de projection­s, de contradict­ions, de passions, en Algérie, en France et ailleurs. » L’homme qui s’exprime ainsi dresse ce constat sans lyrisme ni complaisan­ce. Et dans ce style si particulie­r, déroutant parfois, à nul autre pareil. Cet homme se nomme Kamel Daoud, il est né en 1970 à Mostaganem, en Algérie, et vit aujourd’hui à Oran. Son premier roman, « Meursault, contre-enquête » (Barzakh et Actes Sud), lui a valu une reconnaiss­ance littéraire internatio­nale. Durant vingt ans, ses chroniques du Quotidien d’Oran ont été les plus lues d’Algérie. Elles sont en partie réunies aujourd’hui dans un ouvrage, « Mes indépendan­ces » (Actes Sud). On y trouvera également quelques-uns de ses textes retentissa­nts parus dans le New York Times et Le Point, dont il est le chroniqueu­r depuis deux ans et demi (lire p. 114). Ses prises de position sur les printemps arabes, l’Arabie saoudite, l’islam, les viols de Cologne, la burqa ou Bachar el-Assad l’ont imposé comme la figure centrale du paysage intellectu­el.

Pourquoi Daoud dérange-t-il ? Car « il refuse d’être otage de l’histoire coloniale quand tout le récit national algérien est tissé autour de cette notion » , écrit dans sa préface le grand journalist­e Sid Ahmed Semiane, qui prépare un film sur l’écrivain. Daoud s’exprime en Algérien qui, adolescent, a vécu « un attrait mystique » pour la religion musulmane. Puis a connu durant les années 1990 l’horreur de l’islamisme. Pour lui, « ce qui se passe aujourd’hui avec Daech a un air de déjà-vu. C’est un remake » de ce que les Algériens ont subi. Ce qui rend son témoignage d’autant plus intéressan­t.

Ni tiers-mondiste ni tiers-mondain, Kamel Daoud est un défi à tous les conforts intellectu­els, de gauche comme de droite, occidentau­x comme orientaux. Daoud pense en homme libre. S’il suscite autant de passion, c’est qu’il démasque toutes les stratégies de déni, pourfendan­t les idéologies en place.

Evoluant sans cesse sur une ligne de crête, objet d’une fatwa lancée contre lui en 2015, l’écrivain se sent-il seul ? « Comme Robinson Crusoé, je me sens peuplé de tout un univers. »

 ??  ?? Naissance d’un écrivain. Kamel Daoud dans un café à Oran, début janvier. C’est ici qu’il a écrit son premier roman, « Meursault, contre-enquête » (Actes Sud, 2014).
Naissance d’un écrivain. Kamel Daoud dans un café à Oran, début janvier. C’est ici qu’il a écrit son premier roman, « Meursault, contre-enquête » (Actes Sud, 2014).

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