François Ecalle : « Se rapprocher du niveau de nos voisins européens »
L’expert a passé les programmes au crible. Et identifié pièges et contradictions.
La trajectoire de réduction des déficits d’Emmanuel Macron vous paraît-elle suffisamment ambitieuse ? François Ecalle :
Elle l’est bien moins que celle de François Fillon. La contrepartie, c’est qu’elle est plus crédible. Faire 60 milliards d’économies, c’est possible. Il pourrait même en faire plus. Sa trajectoire de finances publiques telle que présentée, de façon très générale, a donc l’air de tenir la route. Mais le diable se cache souvent dans les détails. Il y a des choses pas encore très claires. Macron veut par exemple réaliser 10 milliards d’économies sur l’assurancechômage, sans toucher aux modalités d’indemnisation. Apparemment, cela vient uniquement de la baisse du chômage de 10 % environ à 7 %. Si on l’étend aux indépendants sans changer les conditions d’indemnisation, tout le monde va créer son entreprise pour la faire disparaître trois mois après afin de toucher des indemnités. Je caricature à peine. Par ailleurs, on parle depuis quarante ans du durcissement des contrôles sur la recherche d’emploi… Les agents de Pôle emploi considèrent qu’ils sont là pour aider les chômeurs, pas pour les sanctionner.
Est-il dans un simple prolongement de la stratégie budgétaire de François Hollande ?
François Ecalle Ancien conseiller maître à la Cour des comptes, rédacteur du site Fipeco, spécialisé dans les finances publiques
C’est quand même un peu plus rigoureux. Il propose par exemple de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires quand François Hollande avait parlé de stabilité des effectifs, avant de les laisser augmenter en fin de mandat. Cela va dans le sens d’une certaine rigueur, au sens noble, contrairement à ce proposent Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen.
François Fillon commence par s’affranchir de la règle des 3 %, quand Emmanuel Macron promet de s’y tenir…
La discipline budgétaire européenne est essentielle. Elle est dans notre intérêt, car elle nous pousse à réduire notre endettement, même si c’est au prix d’une croissance un peu plus faible. Par ailleurs, renforcer la zone euro paraît essentiel. Et l’Allemagne n’acceptera de le faire que si la France respecte un jour ses engagements. Le deal proposé par Fillon, réformes structurelles contre souplesse sur le déficit, est possible, mais loin d’être gagné d’avance. D’autant qu’il exagère un peu l’héritage Hollande. Le déficit devrait être très légèrement au-dessus de 3 % en 2017. Mais c’est vrai qu’il va s’aggraver en 2018, car un tas de mesures, comme la montée en charge du CICE, ont été repoussées à l’année prochaine. Emmanuel Macron, lui, retient l’hypothèse de 2,9 % en 2017. Pour y arriver, il devra prendre une loi de finances rectificative en juillet afin de serrer un peu la vis ou redéployer des crédits. Pour 2018, il n’a apparemment pas tout à fait intégré les bombes budgétaires à retardement laissées par François Hollande.
François Fillon a-t-il raison de proposer 100 milliards d’économies ?
Cela paraît souhaitable de se rapprocher du niveau de dépenses publiques moyen de nos voisins européens. Nous sommes à 56 % du PIB quand les autres sont en dessous de 50 %. Mais il a un problème de crédibilité : il n’est pas sûr que ce qu’il propose permette d’y parvenir.
La baisse du nombre d’emplois publics n’est-elle pas réaliste ?
Supprimer 500 000 postes par le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite ou le non-renouvellement de certains CDD devrait être très compliqué, même en augmentant la durée du travail. Avec cette contrainte de s’appuyer sur les départs à la retraite, on peut difficilement faire plus de 400 000 postes. Et encore, 300 000 serait sans doute plus réaliste