Le Point

Emmanuel Macron m’aime

- Patrick Besson

Emmanuel Macron m’aime. Il m’a compris et il m’aime. Il me le répète à chacun de ses meetings de 12 000 personnes, qu’il a comprises et qu’il aime également. Dans chacune des interviews qu’il donne aux journalist­es de la presse écrite, qu’il a compris et qu’il aime, Emmanuel le répète encore : il comprend les Français et il les aime. Tous. Même moi. Y a-t-il un moment où il me comprend et m’aime moins qu’à d’autres ? Le connaissan­t, je suis catégoriqu­e : non. Il m’a compris et m’aime en toute circonstan­ce. Quand je me lève, quand je suis sous la douche, quand je bois mon café au lait en écoutant les infos à la radio, quand je suis dans les transports, quand j’arrive sur mon lieu de travail, quand j’en sors, quand j’entre dans un restaurant ou un cinéma, quand je reviens de vacances ou quand j’y pars : Emmanuel me comprend et m’aime. Sa compréhens­ion et son amour sont totaux et incessants et je sens bien qu’ils n’auront pas de fin, sauf peut-être si Emmanuel n’est pas élu président de la République française en mai. Là, il risque de ne pas nous comprendre. Et de nous aimer beaucoup moins. Il se peut alors qu’il prenne la mine chagrine des enfants qu’on habille pour aller à l’école alors qu’ils nous avaient fait plein de bisous dans le but de rester en pyjama à la maison pour jouer au football avec un ballon bleu du PSG ou aux petites voitures rouges italiennes.

Quand les grands yeux bleus d’Emmanuel, qui res- sortent étrangemen­t sur son teint pâle de clown blanc, se posent sur nous, les gens qu’il a compris et qu’il aime, c’est-à-dire tout le monde, chacun de nous a un petit frisson. Ça doit être parce qu’aucun homme politique avant Emmanuel ne nous avait compris et aimé comme il le fait depuis le début de sa campagne électorale pleine de compréhens­ion et d’amour. Le général de Gaulle nous avait compris, mais nous a-t-il aimés ? Il n’en a en tout cas jamais fait l’aveu, bien au contraire. Ce n’est pas Emmanuel qui nous aurait traités de veaux comme l’a fait le général en 1940 après l’armistice avec l’Allemagne signé par le maréchal Pétain. Jacques Chirac a souvent dit qu’il aimait les pommes et la Corrèze, mais il n’a jamais dit qu’il aimait les Français ni qu’il les avait compris. Peutêtre parce qu’il ne les a ni aimés ni compris. Giscard d’Estaing aimait la chasse, François Mitterrand le Luberon, Nicolas Sarkozy le vélo, François Hollande la Lanterne, mais aucun d’eux ne nous a jamais dit qu’il nous aimait. Ni qu’il nous comprenait. C’est peut-être ça qui nous a manqué et nous donne cet air chafouin et ce caractère irascible dont se plaignent les étrangers en visite dans notre pays qui leur paraît, du coup, plus beau qu’à nous. Emmanuel va changer ça, à moins que ses déclaratio­ns compréhens­ives et enamourées ne finissent par lui revenir en pleine figure comme un boomerang sarcastiqu­e. Qui trop embrase mal éteint

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L’ancien ministre au Salon de l’agricultur­e, le 1er mars.

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