Le Point

Redresseme­nt : la preuve par l’Espagne

Ce que notre voisin a réussi – endiguer la crise –, la France peut aussi le faire. A deux conditions : instaurer des réformes radicales et maîtriser sa dette.

- Par Nicolas Baverez

D ans

les démocratie­s en crise, il existe un moment tragique où tout ce qui pourrait les sauver est écarté quand tout ce qui les perd est sanctuaris­é. Comme dans les années 1930, la France se trouve enfermée dans cette trappe d’impuissanc­e et de démagogie. L’élection présidenti­elle de 2017 accouche d’un débat mort-né. Le redresseme­nt du pays est occulté par le déchaîneme­nt des passions, laissant le champ libre au populisme, qui encourage les causes du déclin français.

Pourtant, il suffit de regarder au-delà des Pyrénées pour trouver la confirmati­on que le redresseme­nt est possible, y compris pour les pays du sud de la zone euro. A une condition : la poursuite d’une stratégie de réforme radicale, à l’image de celle poursuivie par Mariano Rajoy.

L’Espagne a été dévastée par l’éclatement d’une des pires bulles immobilièr­es et financière­s de l’histoire du capitalism­e, qui a provoqué une chute de 10 % de son produit national entre 2003 et 2013 et porté le taux de chômage à 27 % de la population active. Depuis 2014, elle a renoué avec la croissance, qui a atteint 3,2 % en 2015 et en 2016. En 2016, l’économie a créé 542 000 emplois, entraînant une décrue du chômage, revenu à 18 % de la population active. Et le déficit public a été réduit de 9,5 % à 4,6 % du PIB depuis 2011. En 2017, l’Espagne devrait enregistre­r une croissance d’au moins 2,5 %, réduire son déficit à 3,1 % du PIB et compter plus de 400 000 emplois supplément­aires.

Pour autant, la crise est loin d’être effacée. Le chômage reste élevé et nombre d’emplois sont précaires, notamment dans le tourisme, qui bénéficie de la fermeture de bien des destinatio­ns en Méditerran­ée en raison du terrorisme islamique. Le secteur bancaire n’a pas encore apuré toutes ses créances douteuses. La dette publique reflue mais s’élève encore à 98,5 % du produit intérieur brut. Surtout, la classe moyenne a subi un terrible choc et un ménage sur six a été déclassé.

Il reste que l’Espagne a cassé la spirale de la déflation pour renouer avec le développem­ent. Dans le même temps, les institutio­ns démocratiq­ues ont résisté à la pression des populistes de Podemos et des indépendan­tistes catalans. Aussi convient-il de tirer les leçons du redresseme­nt espagnol. 1/ La priorité doit aller à la reconstitu­tion d’une offre compétitiv­e en termes de prix et de positionne­ment. 2/ La baisse des dépenses publiques improducti­ves n’est pas un obstacle mais une condition à la relance de la croissance et de l’emploi. 3/ Seules réussissen­t les thérapies de choc pour l’assainisse­ment des comptes publics comme pour le nettoyage des bilans des banques et des entreprise­s : le confirme le remarquabl­e ajustement de l’Irlande, qui affiche une croissance de 5 % et a diminué le taux de chômage de 15 à 7,9 % tout en ramenant le déficit public de 30 % du PIB en 2009 à 1,1 % du PIB en 2016. 4/ La résistance de la démocratie est indissocia­ble du respect de l’Etat de droit : il est impératif que la justice passe et qu’elle soit la même pour tous, ce qui a été le cas pour Rodrigo Rato, ancien directeur général du FMI, condamné à quatre ans et demi de prison dans l’affaire des cartes de crédit de complaisan­ce de Bankia, ou d’Iñaki Urdangarin, beau-frère du roi Felipe VI, qui a écopé de six ans et trois mois de prison ainsi que de 500 000 euros d’amende pour les fraudes de la fondation Noos. 5/ Le redresseme­nt n’est jamais importé, mais résulte d’un effort national ancré dans l’esprit, l’histoire et les structures des nations : Arturo Pérez-Reverte souligne dans « Le hussard » que « jamais une seule idée ne sera imposée en Espagne par la force des baïonnette­s » . 6/ Pour autant, la zone euro a puissammen­t aidé l’Espagne en la protégeant d’une attaque sur sa dette

Elle devrait enregistre­r une croissance d’au moins 2,5 %, réduire son déficit à 3,1 % et créer plus de 400 000 emplois.

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