Le Point

Tadao Ando en quelques dates

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1941 Naissance à Osaka, Japon. 1969 Création de son agence. 1985 Eglise sur l’eau, Hokkaido, Japon. 1987 Eglise de la lumière, Osaka. 1992 Pavillon du Japon à l’Exposition universell­e de Séville, début du projet de Naoshima. 1995 Récompensé par le prix Pritzker. 1998 Musée d’Art moderne de Fort Worth, Texas, Etats-Unis. 2002 Lauréat du prix de Kyoto. Offre son prix aux orphelins du tremblemen­t de terre de Kobe. 2006 Omotesando Hills, Tokyo. 2009 Réhabilita­tion du centre d’art contempora­in Punta della Dogana, Venise. 2013 Shanghai Poly Theater, Shanghai. 2016 Forêt de la mer, un parc dans la baie de Tokyo. Construire dans un pays avec une telle activité sismique est un défi lancé à l’architecte. Cela oblige à rationalis­er les choses, de même que les contrainte­s économique­s. Qu’on ne s’y trompe pas : la technique seule ne fera jamais une bonne architectu­re. Je sais qu’il y a des concepts à la mode, comme la robotique, l’intelligen­ce artificiel­le ou la réalité virtuelle. S’il s’agissait de ne faire que du « rationnel », l’intelligen­ce artificiel­le gagnerait, comme elle gagne aux échecs ou au jeu de go. Mais l’architecte, lui, construit un foyer, avec une philosophi­e. Où et comment on fera s’asseoir un enfant dans une maison, au sein d’une famille, voilà ce à quoi il réfléchit. En architectu­re, ce qui compte, c’est la philosophi­e qui la sous-tend, la façon dont s’installe dans une constructi­on toute la richesse de l’expérience, des émotions, des sensations accumulées au cours d’une vie. Je veux offrir des lieux où les gens sentent qu’ils peuvent vivre ensemble.

Quel rôle le béton, si peu japonais, apparemmen­t si peu vivant, joue-t-il dans la façon dont vous envisagez l’espace et l’architectu­re ?

C’est vrai, ce n’est pas un matériau japonais, même si des Japonais comme Kenzo Tange l’ont utilisé après la Seconde Guerre mondiale. C’est une invention française de 1897, que j’ai rencontrée de façon décisive. D’abord, dans un livre sur Le Corbusier trouvé chez un vieux libraire, à Osaka, qui m’avait fasciné et que je venais feuilleter chaque jour, car il était cher. Et puis, bien des années après, en vrai, à Paris, devant le Pavillon suisse réalisé par le même Le Corbusier. Contrairem­ent à lui, quand je suis allé voir le Parthénon, à Athènes, je n’ai pas compris tout de suite combien ce monument était parfait, mais en voyant ce bâtiment d’habitation qu’il avait fait pour les étudiants, ce parallélép­ipède à ossature métallique monté sur d’imposants pilotis en béton brut, je l’ai trouvé génial. J’ai ensuite vu sa Cité radieuse, à Marseille, et la chapelle de Ronchamp. Tout cela m’a enseigné que, ce qu’il y a dans le béton armé, c’est la liberté. C’est un matériau inorganiqu­e, pas cher, accessible à tous. On peut en faire ce qu’on veut, c’est son avantage et le piège qu’il nous tend. Je me suis volontaire­ment retenu pour ne pas aller dans les excès de la liberté, pour faire une architectu­re calme, posée, harmonieus­e, sur laquelle je continue à m’interroger. La mission de concevoir des architectu­res sûres apparaît encore plus cruciale après des catastroph­es comme celle de Kobe en 1995 ou le tsunami de mars 2011.

Au Japon, vous avez réalisé plus de vingt musées ou centres culturels, des bibliothèq­ues, des galeries. Vous êtes aussi l’homme de Naoshima, un îlot de la mer intérieure de Seto, qui était devenu une décharge et qu’un mécène, Soichiro Fukutake, a transformé en île-musée.

C’est un lieu unique. Naoshima est entouré de mer, c’est un lieu éloigné du centre vital du pays. Il est difficile de s’y rendre, mais c’est ce qui fait son intérêt. C’est une île-musée, mais un musée permanent, alors que la plupart des musées, désormais, sont des boîtes blanches où les exposition­s tournent. A Naoshima, les oeuvres sont permanente­s, que ce soient celles de Lee Ufan ou de James Turrell, et pourtant, chaque fois que l’on y va, on voit les choses différemme­nt, en fonction des moments de la journée ou de l’année, avec des lumières, des ombres – au Japon nous aimons beaucoup l’ombre – changeant au gré de la météo. Alors que ce sont les mêmes oeuvres, toujours, posées au milieu de la végétation ou au sein de musées fondus dans le paysage. En fait, on voit à peine mes créations.

Au Benesse House Museum, l’hôtel-musée de Naoshima, l’une de vos créations est un bâtiment ovale dont le toit, percé, s’ouvre sur le ciel. On s’y s’endort en compagnie d’oeuvres d’art tout en admirant le coucher de soleil…

Oui. Je voulais un lieu unique, où les arts, la nature et les hommes sont en lien direct, stimulés les uns par les autres. A Naoshima, les oeuvres sont partout et elles ne sont que là, toujours là

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