Vol au-dessus de l’affaire Fillon

« C’est l’homme aux mille tours ! » Ainsi Homère nommait-il Ulysse, mais la formule sied aussi bien à l’époux d’une autre Penelope, François Fillon. Il y a tout juste quelques mois, on décrivait souvent le Sarthois comme un homme droit, presque naïf, mais peut-être dépourvu de la trempe qui fait les présidents. Comme la roue tourne ! Aujourd’hui, on découvre les roublardises du personnage en même temps que son caractère de fer… La droite sort épuisée de l’affaire Fillon. Certains passeront l’éponge et soutiendront le candidat sans barguigner, s’appuyant sur un raisonnement à la Michel Déon : « Il n’y a rien de tel pour respecter vraiment un homme que d’en connaître les faiblesses. » D’autres demeureront plus amers. Nul ne sait encore où aboutira l’aventure de François Fillon, mais il lui reste un défi : faire campagne sur les idées qu’il professait au début de sa campagne des primaires. Il parlait alors d’Europe, d’ouverture au monde et aux nouvelles technologies, de courage dans les réformes et de modération dans le vocabulaire. Sa défense style fort Alamo de ces dernières semaines n’a pas beaucoup contribué à cette démarche… Mais le candidat Fillon était-il de toute façon audible ? A lui de retrouver le cap. Puisqu’il a été beaucoup question du général de Gaulle ces derniers temps, souhaitons en tout cas que l’ombre du grand homme s’étende jusqu’au bout et pousse Fillon – comme les autres – à conserver les mains libres de tout clan, ainsi qu’à porter le regard sur un horizon plus vaste qu’un quelconque « noyau dur ». Car, au sortir de ce navrant spectacle, on se frotte les yeux et on découvre que le monde a déjà changé. Mossoul est sur le point de tomber, la Libye s’embrase, la Corée du Nord joue avec le feu, pendant que Trump en rajoute dans la pitrerie. La planète tressaille. Pendant ce temps, également, on a appris que d’autres prenaient leur destin en main : ainsi le groupe PSA, sous l’impulsion de son patron franco-portugais, Carlos Tavares, prend le contrôle d’Opel et change la physionomie de l’automobile en Europe, démontrant au passage que cette dernière n’est pas si abstraite que cela… Le monde n’attend visiblement rien de l’affaire Fillon. La grande Histoire, on le sait depuis longtemps, dépend souvent de la petite. Mais, cette fois-ci, le dénivelé donne particulièrement le vertige §