La face très obscure de Beppe Grillo
Le Mouvement 5 étoiles séduit un tiers des Italiens. Mais à l’intérieur du M5S règnent la paranoïa, les purges et l’opacité. Enquête.
Les astronautes n’ont jamais débarqué sur la Lune. L’attaque des tours jumelles a été provoquée par des lobbys américains. La CIA a implanté des micropuces sous la peau des citoyens pour mieux les contrôler. Le sida n’est pas une maladie sexuellement transmissible. Les Etats-Unis subventionnent le trafic de migrants de la Libye. Les Ukrainiens ont dévoré des soldats russes…
Tel se présente le monde merveilleux du Mouvement 5 étoiles (M5S). Ces affirmations ne proviennent en effet pas d’un tract raëlien ou de l’Eglise de Scientologie, mais de sites de la Casaleggio Associati, la société privée qui se cache derrière le M5S. Un monde qui court vers l’apocalypse mais sera sauvé par Internet. Dans une vidéo de 2009, Gianroberto Casaleggio, le cofondateur du M5S décédé en avril 2016, prédisait le déclenchement en 2018 d’une troisième guerre mondiale opposant le monde occidental à la Russie, à la Chine et au Moyen-Orient. Le conflit devrait durer jusqu’en 2040 et faire 5 milliards de morts. Le milliard de survivants donnera naissance à Gaïa, un gouvernement global qui abolira les religions et les exécutifs nationaux et gérera le monde sur le Web.
« Techniquement, le M5S n’est pas une secte, affirme Luigi Corvaglia, vice-président du Cesap, la princi- pale ONG surveillant les phénomènes sectaires dans la péninsule. C’est une organisation trop vaste et elle n’exerce pas une véritable coercition sur ses adhérents. Mais le M5S partage de nombreuses caractéristiques avec les sectes. Il célèbre la Toile comme l’espace mythique d’une nouvelle démocratie dont le verbe est, d’après Casaleggio, “semblable à celui du Christ et des apôtres”. Les fakes sont destinés à alimenter la thèse du grand complot. Le mouvement ne tolère aucune contestation en son sein et récite des mantras. »
Le blog de Beppe Grillo, ancêtre du Mouvement 5 étoiles, est né en 2004 d’un coup de foudre entre Beppe Grillo et Gianroberto Casaleggio. Le premier est un comique rebelle qui fut banni des écrans de la RAI en 1986 pour avoir accusé, non sans raison, les dirigeants socialistes de l’époque d’être des voleurs. Le second est fondateur à Milan d’une société de conseil en marketing sur Internet, la Casaleggio Associati. Grillo proteste contre la « caste » et la corruption de la classe politique. Casaleggio rêve d’abattre les partis politiques pour instaurer une démocratie digitale, directe et égalitaire. Casaleggio est le gourou, Grillo le communicateur. Leur plateforme politique, « ni de droite ni de gauche » , s’appuie sur 5 thèmes : défense de la gestion publique de l’eau, récolte différenciée des ordures, transports publics, énergies renouvelables et wi-fi pour tous. Mais, rapidement, ces « cinq étoiles »