Le spectre d’une mère évaporée
Poche. Des chapitres courts et vifs, des phrases simples d’où gicle la poésie et, c’est étrange mais évident, de l’empathie. Dans le Québec des années 1950 en mutation, entre vieilles bondieuseries, misogynie institutionnelle et Maurice Duplessis, Premier ministre aux manières autoritaires, des personnages en marge – artistes, poètes – gravitent autour d’un seul être : Suzanne, « spectre d’une mère évaporée » . Grand-mère de l’auteure, que ni elle ni sa mère n’ont jamais connue, elle brille et brûle comme un soleil ; insaisissable, indispensable. Révoltée, révoltante, affamée de liberté, Suzanne avait abandonné mari et bébés un matin et pour toujours. Pour créer, aimer, vivre, on ne sait pas, elle n’a jamais su le formuler. Silence têtu, absence absolue. C’est l’histoire d’une mère enragée de l’être, une histoire qui gifle et étreint. Ce roman québécois, passé inaperçu en France, pose pourtant une question courageuse, celle de l’amour maternel, peut-être moins souverain que l’on croit
« La femme qui fuit », d’Anaïs Barbeau-Lavalette (Le Livre de poche, 448 p., 7,60 €).