La finance poisson rouge
Les marchés ignorent superbement la campagne électorale française.
Un
ex-président de la Bundesbank, Karl Otto Pöhl, avait un jour affirmé que « les marchés financiers ont une mémoire d’éléphant mais sont peureux comme des lièvres » . A en juger par la façon dont ils se comportent ces dernières semaines et dont ils réagissent à la campagne électorale en France, les marchés donnent plutôt l’impression d’avoir une mémoire de poisson rouge et d’être aussi intrépides que des bouquetins escaladant des parois verticales. L’indice CAC 40 de la Bourse de Paris affiche une hausse de 5,35 % depuis le début de l’année. De son côté, le taux de l’emprunt d’Etat à dix ans, qui était monté jusqu’à 1,15 % début février, est redescendu sous la barre des 1 % pour s’établir le 31 mars à 0,95 %.
Aucun signe visible d’anxiété ni la moindre trace de fébrilité, dans les salles de marché, sur l’issue du scrutin présidentiel, malgré les nombreux sondages qui placent Marine Le Pen en tête du premier tour. Les grands investisseurs internationaux qui, depuis New York, Londres, Tokyo ou Singapour, gèrent l’épargne mondiale semblent aujourd’hui totalement exclure une victoire de Mme Le Pen. Qui ne manquerait pourtant pas de faire se lever la tempête financière du Frexit, en comparaison de laquelle la crise grecque n’aurait été qu’une brise légère. Avec une envolée des taux d’intérêt, un effondrement des marchés obligataires français et d’Europe du Sud, un plongeon des Bourses, d’énormes turbulences sur la parité dollar/euro, une fuite des capitaux, sans oublier des risques de panique bancaire et de ruée aux guichets.
Il est étonnant de voir les marchés ignorer à ce point le principe de précaution. Il est plus surprenant encore de les voir ne pas s’inquiéter d’une campagne électorale qui révèle au grand jour l’état de décomposition politique de la 5e puissance économique mondiale. Dont les citoyens sont prêts à voter à une très large majorité, au premier tour, pour des candidats qui proposent de soigner l’économie avec toutes sortes de poudres de perlimpinpin fort coûteuses et qui considèrent que nos 2 200 milliards d’euros de dette publique sont un détail sans importance. La campagne électorale ne tourne pas, cette fois, comme c’est traditionnellement le cas, autour d’un bilan économique que le pouvoir sortant s’emploie à défendre et que l’opposition a beau jeu d’attaquer.
Après le renoncement de François Hollande à briguer un second mandat et la victoire de Benoît Hamon sur Manuel Valls à la primaire socialiste, le bilan du quinquennat est, de fait, entièrement sorti du débat électoral. Il faut à cet égard saluer l’extraordinaire habileté d’Emmanuel Macron, qui, malgré ses
Les investisseurs internationaux qui gèrent l’épargne mondiale semblent totalement exclure une victoire de Mme Le Pen.