Brèves
Récit. Ça commence par un échec qui réussit : une virée au mont Blanc. Rêve d’enfant, fiasco d’adulte et point de départ d’un livre, comme un encrier pour la plume asséchée de l’auteur. « Raconter est un médicament sûr » , disait Eco. Ensuite vient le récit d’une psychanalyse (ou plutôt de trois), exercice littéraire aventureux qui, au lieu de badiner avec Narcisse, conjugue sans crier gare le singulier au pluriel. Si Mme Bovary, c’était Flaubert, Jean-Marc Savoye a sûrement beaucoup à voir avec nous. Il y a un traumatisme d’enfant (la mort du père), un secret de famille (gardé par la mère), un « àquoibonisme » professionnel et existentiel au mitan de la vie ; il y a la mort, la vie et l’amour humain. Il y a aussi, c’est inédit, le praticien lui-même, qui entre par effraction, comme la lumière dans une fissure, dans le récit du patient. Et comme il s’agit de Philippe Grimbert, psychanalyste et écrivain, le fond et la forme se disputent les faveurs du lecteur. « C’est après notre mort que notre vie devient un destin, quand nous ne sommes plus là pour en feuilleter les pages. » Et aussi : « La voie est libre. Le passé, enfin, n’était plus mon horizon. » Guéri, Savoye ? Sauvé, en tout cas. Enfin, il y a cette petite voix « embourbée dans une réalité où elle ne trouve pas sa place » , émouvante, délicate, qui murmure, prend ses aises et puis se déclare, celle d’un écrivain
« Et toujours elle m’écrivait », de Jean-Marc Savoy, avec le regard de Philippe Grimbert, (Albin Michel, 272 p., 18 €).